vendredi, octobre 06, 2006

Non, pas ça!

Pas le Torchinou (nouvelle version)!

S'il fallait se rassurer sur l'état de la presse helvétique, et même -allons-y carrément-, s'il fallait se convaincre que 20 minutes et le Matin bleu sont des journaux spécialisé dans les analyses approfondies, il y aurait le Torchinou (Swissmetal news dit-on). A une époque, pas si lointaine, on parlait de la Pravda pour fixer le zéro absolu du journalisme. Si c'était dans la Pravda, il fallait bien admettre que ce n'était pas vrai. Si bien qu'au final, d'ailleurs, il était tout de même possible d'imaginer ce qui était vrai. Mais, maintenant, le Torchinou peut sans difficulté se targuer de remplacer ce monument de la Guerre froide. Et, tour de force, non seulement dans le contenu, mais aussi dans la forme, qui reflète parfaitement le degré d'incompétence atteint par les rédacteurs. Même en le faisant exprès, peu de personnes sur terre arriveraient à être aussi incapables.

Prenons la première image (légèrement annotée):


Quelle photo! Elle mériterait de figurer dans un musée dédié à la bouffonerie. Quelle merveille que ces contrastes de couleur si comiques! Quelle réussite que ces expressions faciales tellement pleines de vérité! Même la couleur des chemises, trait d'union symbolique entre nos 2 larrons, est un détail parfaitement abouti. Et les mains, et l'inclinaison complice des têtes, et le coude de Karl Meyer, qui brûle la priorité à Hanspeter Weidlich, lequel, devant un bel arbre bien vert, semble entouré d'une aura mystique. Enfin, le détail qui tue quand on sait que tous 2 travaillent à la Boillat: la photo a été prise à Dornach (merci à Petit Ours pour son sens de l'observation!).

Si un photographe avait voulu réaliser une prise de vue satyrique pour symboliser le mot "grotesque", il lui aurait fallu de longues heures de réflexion, ou l'intuition d'un grand artiste, pour en arriver à un résultat respirant autant la bêtise. Ma retouche est certe bien dure pour les 2 intéressés (bon, il faut les voir à l'oeuvre, aussi: c'est assez édifiant), mais je réclame les circonstance atténuantes! Les auteurs du Torchinou m'ont tendu la perche, et même plus. Le pire, dans cette photo, est que tout a probablement été fait en toute simplicité, avec l'idée de donner une image sympathique à H. Weidrich et K. Meyer...

Une autre aberration figure en haut de la page 2. Il s'agit d'un simple mot, le mot "boulot". L'ensemble du journal est rédigé dans un vocabulaire prétendument sérieux et réfléchi, à ce mot près, "boulot", qui est issu du langage familier. "Boulot" est donc là, soigneusement choisi, pour parler la même langue que l'ouvrier, auquel le Torchinou s'adresse. Cependant, l'expression est tellement déplacée dans ce contexte qu'elle montre à quel point les auteurs du Torchinou se prennent pour des génies. "Nous avons un travail et vous avez un boulot" disent-ils implicitement, certains que la valeur du travail des Boillat est infiniment inférieure à ce qu'ils font, eux. Faire semblant de se rapprocher de l'autre pour mieux le rabaisser, tout un programme. L'argument vous paraît excessif? Voici ce qu'on trouve quelques lignes plus bas: "éviter une séparation entre cadres et employés" et "établir une nouvelle estime pour le collaborateur". Tous les Boillat ont fait la grève, cadres compris. Et l'estime entre collaborateurs au sein de la Boillat, avant Martinou, était autre chose qu'une expression vide de sens. Mais là est toute la vertu d'une direction qui se croit revenue à l'époque coloniale: apprendre aux gens à faire ce qu'ils avaient toujours su faire par eux-mêmes, et en l'occurrence bien mieux.

Le premier article est donc un entretien avec Hanspeter Weidlich et Karl Meyer. Exercice: soulignez en rouge les phrases où les intéressés expriment leur point de vue. Il n'y en a aucune. Pas de citations, pas de "selon K. Meyer", rien n'est crédité à personne. Le contraire du journalisme. Pourtant, on découvre dans le second article que la citation, ouverte et fermée par des guillemets, n'est pas inconnue des plumitifs de Swissmetal.

Mais que donc "Meyer et Weidrich" (sic!) nous apprennent-ils? Pas grand chose, sinon l'étendue de leur ignorance. Ils démontrent juste à quel point ils sont les lampistes consentants et écervelés d'une direction qui ne leur demande que ça. Bien sûr, ils ont le titre ronflant "ETH", mais en quoi sont-ils ingénieurs au fait? En physique nucléaire? En chimie? En mécanique? Mystère... Ils ont des "connaissances en économie" (Moi aussi d'ailleurs, et vous? Ah, vous aussi). En tout cas, aucun des 2, malgré leur grande expériences en "production/logistique" ne sait se servir de SAP. D'ailleurs, Swissmetal, après avoir forcé l'implémentation de SAP, n'engage que des personnes qui ne savent pas le faire fonctionner, dans une sorte de mouvement de défiance, et un amour soudain pour les post-its.

Les 2 aveugles de service (ou l'auteur de l'article, allez savoir) estiment que "l'ambiance s'améliore constamment" et que "la confiance en la continuité de la Boillat prend peu à peu la place sur [on dit "prendre le pas sur", NdK] la peur de perdre son boulot et la crainte d'un déménagement de machines". Assurément, il a fallu aller la chercher loin, une telle paire d'andouilles. Ont-ils les yeux en face des trous? Et les tympans en face des conduits auditifs? Certainement, mais l'usage qu'il font de ce matériel complexe (trop pour eux?) laisse perplexe. Je doute qu'on trouve quelqu'un à la Boillat, même Wilmar, qui n'ait pas peur de perdre son travail dans une faillite frauduleuse.

Autre perle: "La précision, la top-qualité et l'orientation vers les demandes des clients sont la première priorité". Tiens donc, Swissmetal est donc une entreprise qui cherche à vendre à ses client ce dont ils ont besoin. Très impressionnant, ce que 2 cadres intérimaires peuvent concevoir de génial! Moi qui pensais que l'imprécision, la low-qualité, comme ils disent, et l'orientation vers les demandes des poissons rouges de mon tamagotchi ferait aussi bien l'affaire...

Arrêtons-nous là pour cet article. Comme la photo qui le décore, tout le texte mériterait d'être conservé pour une anthologie. Sur Internet, on trouve bien des bons mots, comme celui de cette personne, qui écrit à son assureur: "J'ai été victime d'un accident du travail alors que je faisais la sieste sous un pommier". Oui, c'est ça, le Torchinou.

L'édito (le mot est d'eux) est aussi un beau ramassis de délires. L'expérience du Torchinou ancienne version s'est avérée "positive". Swissmetal, à l'époque, avait lancé un sondage. Quels en sont les résultats chiffrés? Il vaut mieux ne pas savoir, semble-t-il. Mais, comme avec la Pravda, rien n'empêche de les imaginer. De plus, le but du nouveau Torchinou, diffusé sur les 3 sites du groupes (les pauvres, personne ne mérite ça), est de contribuer à rendre la "fusion plus efficace sur un plan multinational et multiculturel". Les grands mots ne coûtent rien, mais heureusement que le Torchinou ne fait que 4 pages. Même si l'ego surdimensionné des auteurs n'y rentrera pas, la santé mentale des lecteurs a au moins une chance d'être préservée.

Karl s'arrête encore sur un dernier article, celui qui concerne Busch-Jaeger (article qui, à tous niveaux, est mieux conçu que le reste). Il est intéressant de voir qu'il est rédigé de manière plus sérieuse, et plus conforme à la réalité. Kai Jungermann y est en effet crédité de ce qu'il dit de manière claire, par des guillemets. Il y parle du nombre respectable d'apprentis engagés chez Busch-Jaeger, et de l'apport positif que ces derniers représentent au sein de l'entreprise. Ce qui n'est pas dit, par contre (mais K. Jungermann n'y peut rien, contrairement aux torchineurs -autant les appeler ainsi), c'est que la Boillat a perdu presque tous ses apprentis suite à la grève et au licenciement des maîtres d'apprentissage. Plus encore, parce que "ça coûte trop cher", la direction de Swissmetal prévoyait, dès 2005, de ne plus embaucher d'apprentis. 2 poids, 2 mesures.

Cet article est destiné avant tout aux travailleurs de Busch-Jaeger, qui tireront une certaine fierté de ce que fait leur entreprise pour les apprentis, et pourront constater par eux-mêmes la véracité des propos tenus (et bien sûr, ils ne connaîtront pas le destin des apprentis de la Boillat). Ainsi, au moment de lire les autres articles, concernant la Boillat, ils auront pour base de comparaison ce qu'ils ont pu vérifier, et seront poussés à considérer le reste comme vrai. Autrement dit, le but est de faire passer pour véridique, auprès des employés de Busch-Jaeger, le quintal d'idioties déversé dans le Torchinou sur la situation à la Boillat. Comment, en procédant à une telle segmentation du lectorat, peut-on chercher à créer une culture d'entreprise commune aux 3 sites? La réponse est simple: le but est d'y faire croire, mais pas de le faire vraiment. Seules 2 personnes sont convaincues du contraire (les preuves sont là, du moins), et elles sont en photo en première page du Torchinou. Ce sont les mascottes, les parfaits employés, ceux qui croient en la Stratéchie sans se poser la moindre question. Des mascottes qui font "meuh!" quand on les retourne.


Bien des choses

Il manque encore bien des informations, pour que cet "édito" soit complet. Un petit survol s'impose donc, et il se cantonne logiquement au Journal du Jura (et à l'archive de JB bien sûr).

Un article de P. Oudot revient sur les chiffres semestriels publiés par Swissmetal. A lire et à relire!

Un autre article parle du licenciement scandaleux de Nicolas Wuillemin. Et ce licenciement se double maintenant de celui de sa femme, Maria Wuillemin, qui a reçu un préavis. Prétexte: la charge de travail aux pointes de stylo a baissé, et ne justifie plus son poste. Bien sûr, elle est la seule à avoir reçu un tel préavis dans le département. Maria Wuillemin a pourtant même accepté de tenter d'occuper un autre poste à l'attachage, mais rien n'y a fait. La direction lui avait certainement proposé ce poste pour qu'elle parte d'elle-même... Mais non, Maria Wuillemin est une courageuse et voulait tenter le coup malgré "un problème musculaire aux mains". Problème dans lequel Swissmetal pourrait assumer une part de responsabilité. Euh, "responsabilité"? Oubliez ce mot, il n'est pas inscrit dans la Stratéchie. En même temps, Swissmetal engage des intérimaires. Nous parlerons donc d'un licenciement punitif qui, s'il fallait le comparer à une odeur, exigerait la longue explorations des égoûts d'une grande ville.

Enfin, dans l'édition du jour, le problème des élections communales de Reconvilier est abordé. Selon Bernard Füeg, président local du PRJB, un "effet Boillat" cause une grande pénurie de candidats: les gens ont d'autres préoccupations. Roland Aeberhard, du PSJB considère qu'un tel effet n'est pas avéré, et que cette pénurie existe depuis un certain temps, et va en s'amplifiant. Enfin, Daniel Schaer se place entre les 2, en estimant que cet effet existe, mais qu'il est marginal, et place au premier plan des problèmes la charge d'une fonction d'élu, et la difficulté à la concilier avec un emploi.


Une dernière chose

Honteux oubli que le mien, dans le dernier "édito":

Merci à toutes les personnes solidaires qui ont soutenu les fonds de grève! Merci, mille fois merci!