mercredi, avril 04, 2007

Opération pièces détachées

La liste des cinémas dans lesquels le film La Boillat vivra! sera présenté a été mise à jour. Karl a aussi mis un petit résumé de l'article du Temps sur le film, ainsi qu'une référence à l'interview de la RSR, indiqués en rouge. Désolé de ne pouvoir offrir de mises à jour plus complètes!

Démantèlement


Depuis quelques temps, Swissmetal met en oeuvre sa légendaire "stratégie". Malgré les promesses de maintenir 150 à 200 "bon emplois", comme disait Friedrich Sauerländer (il y aurait donc de "mauvais emplois", même s'il ne s'inclut étonnamment pas dans ce lot), on se dirige bel et bien vers le lapsus de Sam Furrer, à savoir 60 travailleurs à la Boillat. Comme on sait, petit à petit, des Boillat sont déplacés de l'usine 1 vers l'usine 2. Ce transfert devrait s'achever, à terme, avec la fermeture de l'usine 1. Un autre transfert a eu lieu récemment, celui des machines Mikron, destinées à la production de lopins (fil coupé pour la fabrication de pointes de stylos). Les Mikron oui, celles-là même qui, du point de vue de la valeur ajoutée qu'elles permettaient, de leur conception particulière et de la clientèle servie, étaient essentielles. Les voilà déplacées vers Lüdenscheid. Les Boillat chargés du démontage ont d'ailleurs courageusement refusé ce dégoûtant travail: des externes s'en sont donc chargés. De plus, des transferts de machines de l'usine 1 vers l'usine 2 sont aussi prévus.

A la Boillat, la production semble se reporter lentement sur les alliages à haute teneur en cuivre, lesquels sont coulés à Dornach. Ainsi, le centre de finishing se profile à l'horizon... Mais en attendant, entre les machines qui fonctionnent mal (comme la presse Loewy ou le four à passage Elti, nécessaire aux nouveaux alliages) et des essais qui pour le moment n'aboutissent pas, la productivité de la Boillat n'est de loin plus ce qu'elle fut. En fait, bien des choses fonctionnent plutôt au système D. A quoi il faut ajouter la souffrance quotidienne que travailler dans ces lieux doit représenter pour nombre de Boillat, qui sont devenus, par la tragédie des choses, des captifs de Swissmetal.

Il y a quelques mois, les clients insatisfaits de la qualité Swissmetal réclamaient de la qualité Boillat. Et la Boillat fournissait la commande que Busch-Jaeger n'arrivait pas à produire correctement. Maintenant, Swissmetal pourra expliquer que cette production n'est plus possible à la Boillat suite à une réorganisation (justifiée, comme il se doit, par la grève). Volker Suchordt a donc réussi une partie de son pari de psychopathe: supprimer la qualité Boillat pour que le premier vient ensuite (mais loin derrière), son usine de Lüdenscheid, devienne leader. Cependant, la seconde partie du pari -rendre Busch-Jaeger rentable de cette manière- ne semble pas en voie d'être gagnée.

Malgré le fait qu'Henri Bols ait expliqué très clairement, devant toute l'usine, que Philippe Oudot, dans le Journal du Jura, mentait quand il écrivait que des licenciements auraient lieu... Des licenciements ont eu lieu. 2 personnes de la maintenance ont dû faire leurs bagages, tandis que 2 autres seront déplacées sur des machines. Les 2 licenciés avaient signé, faute de choix, un des nouveaux contrats de Swissmetal, non conformes à la CCT, ce qui leur vaut une période de dédite minimale. La maintenance comporte trop de monde, parce qu'à Lüdenscheid, elle est plus réduite, explique Volklore. Subtile raisonnement qui consiste à ne pas voir que la maintenance recouvre des qualification différentes à la Boillat, et à ne pas constater l'état général déplorable de l'usine Busch-Jaeger.

Bref, le démantèlement de la Boillat est en cours, c'est un fait. La stratéchie n'a pas changé, et Jürg Müller, l'expert de la médiation, ainsi que Rolf bloch, peuvent apprécier l'efficacité de leur travail. Décidément, on n'arrête pas un buffle à coups de mots, fussent-ils assassins ou simplement intelligents. Malgré cela, la chose qui manque à Swissmetal pour parachever ce chef-d'oeuvre d'imbécilité, c'est le silence. Tant que la contestation existera, Martin Hellweg aura bien de la peine à justifier la catastrophe qu'il prépare. La porte de sortie du Maîîître consisterait certainement à revendre Swissmetal et à engranger un petit bonus pour son génie. Pourtant, on ne peut certainement pas dire que les acheteurs se poussent au portillon.

A priori, malgré la conjoncture exceptionnelle, les affaires vont donc plutôt mal chez Swissmetal. Si le groupe brandit toujours de bonnes nouvelles par pelletées de 12, la réalité semble moins joyeuse. La nouvelle presse, qui a fait l'objet d'une communication soutenue dans le Torchinou, n'est pas prête de fonctionner (mais qui donc seront les maître d'oeuvre de la mise en route? Jepeto?). Toujours dans ce Torchinou, le salon Paperworld de Francfort, qui coûtait prétendument trop cher pour que la Boillat aille y présenter ses instruments d'écriture, et qui, soi-disant, ne servait à rien, est maintenant porté aux pinacle de l'"incontournabilité" par un plumitif de Busch-Jaeger. La reconduction de la certification ISO a aussi fait l'objet d'un communiqué. Pourtant, lors de ce qui semble être des audits assez convenus (c'est tout de même l'audité qui paie l'auditeur), les choses ne se sont pas parfaitement passées. Les principaux problèmes avaient trait à des questions environnementales, chose normale quand on connaît le responsable en charge (le taupier, pour les intimes). L'autre catégorie de problème à résoudre se situait au niveau... du management. Il a donc fallu attendre un certain temps pour que ces questions soient réglées avant de recevoir la certification. Bref, le record de la bouffonerie -le fameux escalier en bronze- n'est pas encore battu.

Vu la quantité de temps et sans doute d'argent (alors qu'à la Boillat on doit économiser sur les rognures de gommes), que la direction de Swissmetal dépense en Chine, il y a fort à parier qu'une annonce fumeuse ira prochainement dans ce sens. Fumeuse, parce que le dernier contrat mirifique de Swissmetal avec les chemins de fer chinois semble n'avoir jamais rien donné. Mais bon, tant que Martinou se trouve une excuse pour dormir au Hilton et vivre comme un baron, il ne faut pas être trop regardant.


Mais alors, la grève?

Quand on regarde cette triste situation, il y a de quoi se demander si lutter autant a servi à quelque chose. La réponse est malgré tout "oui". La grève a retardé le démantèlement d'une année environ. C'est toujours ça de pris, pour ceux qui auront eu leur salaire pendant ce temps. Et surtout, la grève a permis la construction d'un rapport de force entre la direction de Swissmetal et ses employés. D'habitude, Swissmetal a toujours utilisé les négociations, quelles qu'elles soient, uniquement pour gagner du temps et noyer le poisson. Pour ce qui est d'un plan social, Swissmetal s'est toujours cru au-dessus des autres entreprises. L'exception qui confirme la règle, en quelque sorte. Pourtant, si les dirigeants de Swissmetal ont en effet quelque chose d'exceptionnel (mais ça ne leur ferait pas plaisir qu'on leur dise en quoi), il semble que la notion de "plan social" ne leur soit plus totalement étrangère. Ainsi, les négociations qui ont lieu entre Swissmetal est les représentants du personnel de Reconvilier et de Dornach semblent être destinées à déboucher sur quelque chose. Karl aurait presque envie de crier au miracle: quelle mouche a donc piqué Martinou? Bien sûr, l'accord n'est pas encore signé. Mais, chez Swissmetal, on semble tout de même vouloir poursuivre la discussion. Il faut dire que le site qui sera le plus frappé par les prochains licenciements pourrait bien être celui de Dornach. Or, jusque là, à Dornach, on se sentait un peu plus protégé que ces énervés de la Vallée de Tavannes. Si ce sentiment disparaît, il vaut mieux pour Swissmetal éviter de générer trop d'insatisfaction à Dornach.

Il y a aussi l'image que veut donner Swissmetal. Karl voit déjà le communiqué: "Swissmetal licencie, mais en entreprise responsable, fournit un plan social de premier choix, et du caviar à la louche". Suivrait un couplet de Sam Furrer sur "l'orientation client" de Swissmetal, où les licenciés sont aussi considérés comme des clients. Il mettrait une petite image de hyène pour symboliser... euh... passons.

Tout est que s'il y a rapport de force, on peut penser que Swissmetal n'a plus la même marge de manoeuvre que par le passé. Il faut aussi dire qu'Unia, où une réelle réflexion sur cette grève semble avoir lieu (du moins, c'est ce que laissait penser le débat tenu à Espace noir), semble faire du travail efficace. La situation est certes plus habituelle pour le syndicat que la grève, et il ne lâche pas le morceau.


Une séance

Jeudi 12 avril s'est tenue une séance qui réunissait une partie des acteurs du conflit Boillat (commissions du personnel, Femmes en colère, uZine 3, ainsi que d'autres). Cette séance fondatrice poursuivait l'objectif -atteint- de créer une coordination entre les différents acteurs, pour que l'information circule au mieux et pour planifier des actions communes de soutien aux Boillat. La Coordination "solidarité Boillat" est donc née. Un communiqué suivra prochainement et fournira plus de détails.


Un film

Le film de Daniel Künzi sur la Boillat est prêt à être diffusé! Il se nomme La Boillat vivra! Et retrace l'histoire de ce conflit, en donnant la parole à nombre de ses acteurs. Le film permet de revisiter cette lutte et de se souvenir de ces moments, bien souvent émouvants. Tant de choses, avec le temps qui passe, disparaissent peu à peu de la mémoire... Et Daniel Künzi a tenté d'en sauver quelques unes de l'oubli. Ceux qui l'ont côtoyé le savent: le réalisateur a passé énormément de temps à la Boillat, a accumulé des centaines d'heures de matériel et surtout, a essayé d'entrer dans la mentalité du Jura bernois.

Le résultat est là: un documentaire poignant, pas facile à regarder, tant son histoire est douloureuse, mais plein de cette ambiance de fraternité qui anima la grève.

Le Temps (lien payant) du premier mai a publié une critique de ce film, positive dans l'ensemble. Détail piquant, Spiderman 3, superproduction au budget record, sortait le même jour, ce que le journaliste n'a pas manqué de relever: "D'un côté, 150 copies [dont de quoi remplir le quart des écrans de Suisse romande, dixit un autre article] pour l'homme-araignée, de l'autre quelques DVD qui circulent entre Genève et le Jura. On n'ira pas jusqu'à dire que l'intérêt est invérsement proportionnel à ce rapport de forces, mais on n'est pas loin de le penser". Certes, pas loin du tout!

De plus, Daniel Künzi a été interviewé par la RSR, au journal de 12H30 du premier mai. Toujours à la recherche d'un bon mot, il n'a pas manqué de signaler que la direction d'Unia avait vu sa caméra "d'un très mauvais oeil".


La première aura lieu le mardi premier mai (quelle autre date sinon celle-là?) au cinéma CAC Voltaire de Genève, à 19H, en présence du réalisateur et de travailleurs de la Boillat, et au Cinoche de Moutier, à 20H, aussi en présence de travailleurs de la Boillat.

Le mercredi 2 mai à 20H, ce sera au tour d'Espace Noir, dont l'engagement pour la Boillat est décidément louable, d'accueillir ce film et des Boillat à Saint-Imier. Toujours le 2 mai, au Royal, à Tavannes. Dès cette date, le film sera aussi projeté au cinéma Apollo de Neuchâtel.

Le Jeudi 3 mai, le Cinéma Lux des Breuleux accueillera le film à 20H, ainsi que des Boillat. Dès cette date, il sera aussi visible au cinéma Lido de Bienne.

Les mardi 8 et jeudi 8 mai, ce sera au tour du Cinématographe de Tramelan. Le 8 mai, le film passera aussi à Lausanne, au Bourg, à 20H, et sera suivi d'un débat organisé par SolidaritéS en présence du réalisteur et de Boillat.

Les samedi 12 et dimanche 13 mai, le film passera Cinéma ABC - La Chaux-de-Fonds, et Daniel Künzi ne manquera pas l'occasion de faire un saut dans sa ville. De même, des Boillat seront présents.

Dès le mercredi 16 mai, le Zinéma de Lausanne projettera le film.

Le film devrait aussi passer, en mai, à Bâle et à Zürich, ainsi que, à une date indéterminée, à la Grange, Delémont. D'autres salles viendront, normalement, allonger cette liste.


Pétitions

La pétition lancée par la CGAS nous a réservé, fin mars, une agréable surprise. Après avoir été rejetée dans les cantons de Berne (qui l'a transmise à son parlement, assortie d'un prévis négatif de l'Exécutif) et de Vaud (la Commission des pétition a proposé le classement, et sera probablement suivie), le parlement genevois s'est décidé à ne pas la classer et à la renvoyer à son exécutif. Les raisons de ce choix restent assez impénétrables. Il semblerait que, d'une part, les députés ont voulu par leur geste reconnaître la lutte des Boillat et que, d'autre part, ils aient voulu faire décider leur exécutif à leur place. En tout cas, les différentes cultures politiques entre ces 3 cantons sont visibles!

La réponse du canton de Berne
fut mesurée (tout comme la seconde réponse), mais assez langue de bois (tout à fait digne d'un gouvernement de gauche qui veut conserver son électorat tout en évitant de prendre l'initiative en ces temps de bonne conjoncture). Dans le canton de Vaud, la Commission des pétitions (du moins certains membres) n'y est pas allée, par contre, avec des pincettes, en ressortant, au pire, le vieil argument de la séparation de l'économie et de l'Etat. Argument fallacieux: un Etat subventionne parfois des entreprises au moyen, par exemple, d'exemptions d'impôts, pose des limites aux droits de l'économie privée, comme des normes environnementales, etc. C'est d'ailleurs un constat similaire qui est établi par certains dans le rapport de la Commission des pétitions du canton de Genève. En fait, l'économie privée est intimement liée à l'Etat, et ce de plus en plus: la fragilité intrinsèque d'une économie mondialisée génère un besoin de stabilité, garantie par des Etats forts. Et la stabilité ne passe pas que par la sécurité, mais aussi par une certaine paix sociale, donc par un certain bien-être de la majorité. Enfin, la disctinction entre Etat et économie privée devient de plus en plus floue (par exemple, la Poste est une entreprise semi-publique qui assure un service publique et réalise des affaires privées).

Ainsi, si aucun des 3 cantons n'a accepté le principe de la péremption pour diverses raisons (protection de la propriété privée, base légale inexistante, etc.), certains ont néanmoins pris la peine d'élargir le débat à la question des gardes fou. Le droit à la propriété n'est pas un droit absolu, contrairement à ce que certains ont veulent faire penser. On peut toujours essayer d'implanter une décharge de déchêts toxiques dans un jardin, pour vérifier. La question qui se pose est, justement, de savoir si certaines destructions liées à ce qu'autorise la propriété privée ne sont pas excessives. Dans le cas de la Boillat, il paraît en effet délirant de continuer Martinou à massacrer Swissmetal, ceci au nom de sa stupidité, alors même qu'un expert neutre mandaté indirectement par l'Etat l'a constaté.

Pour d'autre information sur la pétition, il est aussi possible d'aller visiter ce site web. Sur le même site, à ce lien et en image, on a d'ailleurs commémoré l'anniversaire de la vente aux enchères de tableaux en faveur du fonds de grève.


Meuh!

Karl passe bien du temps à parler de Martinou et à le comparer à un buffle. Mais comme on sait, une histoire de taureaux, à Loveresse, a défrayé la chronique il y a quelque semaines. Il faut dire, comme le relève l'auteur de ce courrier des lecteurs (Karl a oublié le nom du journal, si quelqu'un peut le lui rappeler), que le taureau en question n'était pas n'importe qui!


Interneteries

Patrick Rérat, chercheur en géographie à Neuchâtel, a publié un article intitulé "Une grève sur la toile". Cet article explique comment la grève des Boillat a été partiellement portée sur Internet, notamment au traver de ce blog et de la pétition Internet lancée par Pierre-Yves Niederhauser. P. Rérat estime qu'on peut voir au travers de ce phénomène l'émergence d'un "pronetariat" (c'est-à-dire "une nouvelle classe d’usagers des réseaux numériques capables de produire, diffuser, vendre des contenus numériques non propriétaires"). Par une carte qu'il présente, P. Rérat fournit aussi une analyse de la répartition géographique de signataires de la pétition Internet, analyse qui met, entre autres, en évidence les frontières linguistiques.

Karl, de son côté, a participé anonymement (et a survécu au ridicule de son déguisement) à un débat concernant l'anonymat dans les blogs.