dimanche, janvier 25, 2009

3 ans...

Que de temps!

Le temps passe vite, mais il n'emporte pas les souvenirs. Pas tous du moins, pas ceux qui comptent. Il y a 3 ans a commencé la seconde grève des Boillat et, de mon côté, j'ai commencé mon blog. C'était fou, de voir tout ce monde s'enflammer pour une usine, pour une belle façon de faire son travail, pour la dignité. Les journalistes, les politiciens, la population, les milieux économiques, tout le monde était impliqué.

Et maintenant? Que reste-t-il, sinon une usine devenue coquille vide, où quelques personnes travaillent encore, se demandant quand viendra la fin? Une Boillat reléguée à son triste sort, mutilée à mort, que tous les efforts du monde n'auront pas réussi à sauver.

Il reste donc les souvenirs, qui reviennent encore et encore. Alors, souvenons-nous!


Il fallait oser

Pour faire la première grève, sans préavis, en réaction au licenciement d'André Villemin, il fallait avoir du courage. Mais pour la seconde, se relancer dans un tel conflit, parce qu'aucune solution n'avait été trouvée, il fallait plus que du courage: il fallait une conviction, celle d'avoir raison, celle de pouvoir vaincre la bêtise par la révolte. C'était donc le 26 janvier 2006 que les machines se sont tues de nouveau. La Boillat plongeait dans l'inconnu parce que cette fois, on ne se contenterait pas d'un protocole en forme de promesse non tenue. La région, et même au-delà, s'était mobilisée pour la première grève et, après quelques mois de sales nouvelles venant de la direction de Swissmetal, elle était prête à recommencer, plus fort. Toutes les forces qu'on pouvait espérer convergeaient vers Reconvilier, pour soutenir les grévistes.

Ca n'a pas suffit. On a envie de se demander: qu'avons-nous fait faux? Qu'aurions-nous pu faire de plus? La réponse à ces deux questions est, je crois, "Rien". Les Boillat, et ceux qui les ont soutenus, ont fait tout ce qu'ils pouvaient, et même un peu plus. Rien que sur internet, les heures de travail des quelques personnes qui ont oeuvré se chiffrent en... milliers, comme le nombre des manifestants qui sont venus soutenir cette cause.

Et pourtant, ce ne fut pas assez. La bêtise, quand elle est aussi profondément implantée dans l'esprit d'un chef d'entreprise, semble décidément incurable. Nous sommes dans un pays libéral et qui, par là, laisse une grande latitude à ceux qui prennent des responsabilités patronales. Ce libéralisme sous-entend un certain fair play: "On ne vous impose pas beaucoup de règles, mais on attend de vous un certain sens des responsabilités", semble dire l'Etat aux patrons. D'un Hellweg, c'est le genre de choses qu'on ne peut pas attendre, pas plus qu'on ne peut en attendre de l'humilité, de l'intelligence ou même un peu de jugeotte.

Mais la suite a montré que Martinou, le Maîîître de Swissmetal, n'était pas seul. La naïveté avec laquelle Marcel Ospel, le fier directeur surpayé au -hem- mérite, a enfoncé UBS dans les subprime est l'exemple le plus cinglant. Et aujourd'hui, on apprend que, contre tout bon sens, des banques ont investi à tour de bras dans les fonds Madoff, du nom d'un escroc, que son propre fils à dû dénoncer à la justice. Toutefois, il reste une différence entre ces gens et Martin Hellweg. Ospel comme Madoff se sont montrés capables de construire des choses et d'avoir des idées, même si, finalement, trop gorgés d'orgueil, ils ont perdu la réalité de vue, pour ne pas dire qu'ils ont carrément déjanté. L'histoire de Martin Hellweg, par contre, est intégralement celle d'une sangsue dont la seule compétence est de se vendre elle-même. Tout ce qu'il a fait, c'est de couler des entreprises, puis d'affirmer qu'il les avait en réalité sauvées de pire encore.

Martinou a voyagé longtemps avant de tomber sur un os. Et cet os, ce fut les Boillat. Eux connaissaient assez leur usine pour savoir ce qui était bon pour elle, et pour savoir que Martin Hellweg et la clique qui l'y entourait étaient néfastes. Le silence suivait toujours les lamentables destructions opérées par Hellweg, mais la Boillat a fait du bruit. Puisse ce bruit être entendu par d'éventuels mandataires d'Ally management, l'entreprise de restructuration dont émane le CEO de Swissmetal.

Les Boillat avaient raison et, maintenant que la crise économique frappe, ça crève les yeux. Swissmetal perd de l'argent et annonce que tout va bien pour masquer la chute du cours de son action. Actuellement, une action de Swissmetal vaut 7 francs 80, soit moins que sa valeur d'émission: la chute, énorme, n'est pas seulement due à la crise. Sachant que Swissmetal a émis en tout 6'624'106 actions, le groupe entier vaut, pour ses actionnaires, un peu moins de 52 millions de francs. Souvenons-nous maintenant d'un chiffre qui avait circulé: des acheteurs étaient prêts à payer 60 millions de francs pour la Boillat seule! Quels sont les inconscients qui pouvaient refuser une telle offre, puis ensuite détruire tout l'efficacité de Swissmetal? Martinou et son fidèle Fridou!

Cet argent, qu'ils n'ont pas voulu, ne les a pas empêchés de détruire la Boillat qu'ils disaient si précieuse. La bêtise a culminé avec la destruction des deux presses. L'être humain moyen, bête comme il est, imagine que lorsqu'on met en route une machine aussi complexe que la nouvelle presse de Dornach, on prend la précaution de conserver les vieilles presse au cas où. La direction de Swissmetal avait tellement tout planifié que, pour elle, ces précautions ne servaient à rien: leur génie ne pouvait pas faillir.


Faillite intellectuelle chez Martinou et ses sbires

Et pourtant, Martinou, dans son infinie humilité, concéda tout de même quelques soucis, commençant son rapport de novembre 2008 ainsi :
"Les problèmes que nous rencontrons depuis le début de l'année pour démarrer notre nouvelle presse à extrusion paraissent bien insignifiants face à l'actuelle crise financière mondiale".
La manière de minimiser est tellement grosse que c'est presque un gag. Du Martinou tout craché, lui qui explique toujours aux gens qui le contestent: "Vu depuis la lune, le problème que vous avez est insignifiant". Vu depuis la lune, en fait, la seule chose qui soit signifiante pour Martinou, c'est son égo. Et cette presse insignifiante, qui est tout de même l'élément central de la chaîne de production de Swissmetal, ne marche pas. Et les machines qui pourraient assurer la production en attendant qu'elle fonctionne (si c'est possible...), la direction de Swissmetal a décidé de les détruire.

Contre ça, Les Boillat et ceux qui les soutiennent ont tout fait, et même un peu plus. Mais face à un tel monument de stupidité, quelle solution pouvait-il y avoir? Toutefois, nous avions raison, et le temps qui passe nous le montre chaque jour. Swissmetal, entreprise sinistre, est devenue entreprise sinistrée. Au point même que, à la direction de Swissmetal, on s'en rend compte... C'est dire! Yvonne Simonis, qui garantissait par sa signature des bilans et des analyses qui sentent bien mauvais, a quitté le navire. Apparemment, elle n'aimait pas assez vivre dans le risque.

Depuis le début de l'année, Swissmetal publie bonne nouvelle sur bonne nouvelle. La Stratéchie n'a pas changé: plus ça va mal, plus Swissmetal annonce les merveilles à venir. Donc, ça va très mal. Le 9 janvier, nous découvrions que la Calotile, devenue Solartile suite à quelques soucis d'image, est finalement nommée l'ATMOVA. Un véritable cours de poésie! Il y a bien sûr plein de projets concrets et, comme on sait, le citoyen adore dépenser plus d'argent pour l'écologie quand c'est la crise. Bref, ça va marcher du tonnerre (tiens, surtout en cas d'orage si ça conduit l'électricité!).

Le serpent de mer des tubes pour trains d'atterrissage a refait surface le 16 janvier. Grande nouvelle, après des années de processus de certification, Messier-Dowty, leader dans le domaine, a accepté les produit en CN8. Un jour, peut-être, une commande suivra-t-elle... Et là, il faudra voir si Swissmetal peut encore produire le CN8. Ce n'est pas important, puisque, selon le communiqué, "D’autres finalisations de processus de qualifications sont attendues pour les prochains mois". Pour quels produits? Pour quels clients? Quand? Normalement, si un communiqué ne répond pas à ce genre de questions, c'est que les réponses n'existent pas, que c'est du vent.

Et enfin, le 23 janvier, nous apprenions que le "marché de la demande" est "hétéroclite"... Ca pourrait vouloir dire que Swissmetal a encore plusieurs clients différents! Ca pourrait aussi vouloir dire que le flux de commande est assez... fluctuant! Là encore, Karl reste admiratif devant ces élans de poésie swissmétalienne. Le mieux est l'ennemi du bien, sauf en la matière, raison pour laquelle voici une seconde portion:
"Le marché de la demande a très bien commencé depuis le début de l’année pour Swissmetal mais il reste très instable. Au niveau des différents segments du marché il affiche des résultats hétérogènes. Concernant les trois derniers mois, nous remarquons une situation fortement à la baisse. D’un point de vue actuel, les sites de production de Swissmetal n’ont pas besoin de procéder à des licenciements. Swissmetal adapte les besoins en capacité en procédant à des mesures de chômage partiel déjà initiées ponctuellement sur les sites de Lüdenscheid et Reconvilier. Dans les services centraux, à savoir hors production, sur les 134 postes à temps plein, environ 35 seront supprimés afin de préserver l’entreprise des conséquences d’une éventuelle poursuite ou d’un durcissement de la crise économique".
Ca tourne autour du pot, on le sent, mais que c'est beau! "Le marché de la demande" qui "affiche des résultats hétérogènes". La langue est poussée dans ses dernières limites, ici. Surtout quand on apprend que "d'un point de vue actuel", il n'y a pas besoin de licencier mais que, par souci de prévoyance, Swissmetal va licencier 35 personnes quand même, hors production (donc plutôt des petits chefs à Dornach). Le seul à profiter de l'allègement hiérarchique, ce sera Jean-Pierre Tardent, qui a su se faufiler une nouvelle fois pour décrocher le poste de directeur "Recherche & Développement, Marketing Technique et Gestion Qualité", rien que ça.


Mais encore?

On peut tourner le problème comme on veut, mais Swissmetal, et la Boillat avec, est bientôt au bout du chemin. Pour Swissmetal, ce sera avec joie. La peine de voir leur incompétence leur exploser à la face n'est rien comparé à ce que Martinou, et Fridou et leur seconds mériteraient, mais au moins ils sauront que dans cette histoire, les idiots n'étaient pas ceux qu'ils croyaient. Karl espère que, dans l'actionnariat, quelqu'un aura envie de se rembourser en les attaquant en justice. Pour la Boillat, ce sera avec tristesse. Les produits Boillat n'ont pas été remplacés, et il y aurait toujours une place pour une fonderie qui produit de la vraie qualité. Mais comment une fonderie sans presse pourrait-elle y arriver?

La vie réserve parfois des surprises et l'une d'entre elles, une extraordinaire, fête ses 3 ans aujourd'hui. Bonne fête à vous, les grévistes!