lundi, juin 18, 2007

Additions notables

Invitation



Le groupe de coordination « Solidarité Boillat » vous invite au

Baptême d’une Impasse

Mercredi 20 juin 2007
Aux abords de La Lingotière
Rue du Bruye 5
à Reconvilier

18h00 Accueil et apéritif
18h30 Inauguration surprise

Venez nombreux!


PS: Karl, tout en vous invitant à aller à l'inauguration de ce mercredi, vous promet une mise à jour très prochaine du blog. Et il s'excuse de ne pas en faire plus...
PS2: Merci à JB pour l'image!



Théâtre arithmétique

Pièce en un acte. Fridou, Sammy et le prof.

Fridou et Sammy sont à un cours privé d'arithmétique, payé par l'assistance sociale durant leur long séjour en prison (on peut rêver non?). Leur professeur, qui n'arrive pas à se défaire de l'habitude qu'il a d'enseigner ce genre de choses à de petits enfants, les questionne.

Le prof.: Aujourd'hui, nous allons continuer à apprendre à faire des additions. Commençons avec toi, mon petit Fridou, pour voir si tu te souviens bien de la dernière leçon. Alors, 1 plus 1, ça fait combien?

Fridou, sans hésitation: 200! Et des bons!

Le prof.: Bons ou pas, ce n'est pas 200 le résultat, mais 2. Fridou, tu as déjà fait cette erreur la semaine passée. A ton tour Sammy. Voyons, combien font 3 plus 2?

Sammy: 60!

Le prof. le regarde froidement et Sammy ajoute: Pardon Herr Professor! Je veux dire 600 répartis sur 2 sites! Je fais des lapsus parfois! 600!

Le prof.: Mais enfin, ce n'est pas croyable! Nous avons fait ces exercices la semaine passée, la semaine d'avant, et encore la semaine d'avant, et vous n'y arrivez toujours pas! Dites-moi, combien font 2 plus 2?

Sammy, qui pèle une banane: 600! J'ai juste là, du premier coup!

Fridou: Non! C'est 200, et des bons! 200! 200! 200!

Sammy: Mais Fridou, 600, c'est sur 2 sites, tu as rien compris mein Präsident du jass club! Tu as nichts verstanden!

Le prof.: 4, 2 et 2 font 4, mes petits. Vous semblez ne pouvoir compter qu'en vous référant à des choses concrètes. Cette histoire de Deutschmetal? Swissmetal?

Fridou: Oui, Swissmetal Reconvilier! 200 emplois, et des bons!

Sammy: Swissmetal, 60... 600 emplois sur 2 sites!

Prof.: Alors, au fond, pour ce cas pratique mais pas compliqué, quel est le résultat de toutes les additions concernant Swissmetal? Fridou? Sammy?

Sammy: ... Un lapsus?

Fridou: ... Des bons?

Sammy: Le Maîîître saurait, lui... Oui, il saurait. Il savait tout. Maîîître? [Sammy pleure].

Fridou: Oh Maîîître, nous sommes si seuls! [Fridou pleure].

Le prof.: Séchez vos larmes, voyons, les enfants. Pour vous faire plaisir, je ne vous demande pas de répondre à la question. Voici le résultat: zéro employé, zéro site, zéro stock, zéro client, zéro vente. Zé-ro! Ce n'est pas compliqué, vous voyez!

Fridou: Non, c'est pas zéro! C'est l'expansion mondiale! Les gens qui mangent des cuivreux au petit-déj'! Pas zéro! Le Maîîître vous aurait montré!

Sammy, qui chuinte et larmoie: Pas zérooo, pas zérooo, le Maîîître savait...

Fridou et Sammy se tendent alors, sautent sur le professeur et l'étranglent avec une paire de chaussettes tricotées par leurs soins, au sein d'un programme d'occupation. Ensuite, ils se redressent et clament: Rien ne nous résiste, seule notre volonté existe! La Stratéchie, la Stratéchie, la Stratéchie!

Rideau.


Retour à la réalité

Tout comme la fiction, la réalité donne à voir quelques problèmes de calcul.

L'un d'eux, piquant, mérite un petit retour en arrière. Il figurait dans ce communiqué du 15 mai, et avait trait au coût de l'énergie. Swissmetal a annoncé vouloir répercuter directement les augmentations du coût de l'électricité sur ses prix de vente. Le sel vient de cette phrase: "Etant donné que les coûts d'énergie dépendent du tonnage et sont les mêmes
pour tout les produits, cette augmentation de prix s'applique à toute la gamme de produits". En effet, on imagine bien qu'un pressé terminé (un alliage coulé en billettes puis pressé en fil) coûte exactement la même chose en énergie qu'un alliage coulé en billettes, pressé, brossé, laminé, recuit, étiré, lavé, etc. La calculatrice de Martinou, elle aussi, a dû se mettre en grève, après qu'il a licencié la touche "moins" et offert une prime en actions à la touche "plus".

Mais venons-en au vif du sujet, le dernier communiqué de Swissmetal, publié le 12 juin 2007, qui a suscité de nombreuses réactions. Il faut dire que sur 606 postes à plein temps annoncés, Swissmetal a prévu d'en supprimer 153. Et, "
A ce propos, Swissmetal prévoit d'effectuer les suppressions d'emplois dans les deux usines de Swissmetal en Suisse déjà annoncées en novembre 2005 dans le cadre de la présentation du concept industriel". Rappelons que ce morceau de stratéchie, énoncé en 2005, prévoyait la fermeture de la fonderie avec plusieurs dizaines de licenciements (aucun communiqué du groupe, que Karl a relu en se bouchant le nez, ne fournit ne chiffre ces licenciements, mais les journaux si). Là, nous ne sommes arrivés à un total d'environ 300 (21 cadres de la Boillat, 112 ouvriers de la Boillat, un certain nombre de licenciés au compte-gouttes, et maintenant 153 licenciements suppressions de postes à temps plein annoncées). Bref, la stratéchie dépasse, du moins en termes de licenciements, les rêves les plus fous de Martinou.

Et la stratéchie dépasse aussi largement les capacités de calcul de Sam Furrer et de Friedrich Sauerländer. Sam Furrer, lors d'un lapsus illustre (qui s'était propagé jusque dans la signature), avait parlé de 60 -pardon 600- emplois sur les sites de Reconvilier et Dornach. 606 moins 153 = 600, donc. Quand à Fridou, 220 (environ) moins 75 (environ la moitié du total des suppressions) = 200, donc.

Les additions ne sont pas les seules à poser problème. Les pourcentages aussi! Selon ce même communiqué, les performances de l'usine de Dornach seraient de 20% inférieures à celle de Lüdenscheid, et les performances de la Boillat y seraient de 40% inférieures. La méthode de calcul menant à ces résultats reste pour le moins obscure, comme le relève d'ailleurs la Coordination "solidarité Boillat" dans un communiqué largement diffusé. Parmi ceux qui ont tenté d'avoir des précisions, certains ont presque eu à craindre de se faire mordre. Pourtant, manifestement, ces chiffres sont très discutables, pour ne pas dire faux: avec le personnel restant, la Boillat, contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, fait des résultats défendables en termes de tonnage et de qualité. La performances a diminué, soit, mais pas à ce point: être au-dessous de la productivité de Busch-Jaeger, ce n'est pas rien!

Henri Bols, Karl Meyer et Sylvain Petitdemange ont pu, à l'occasion de ce communiqué, faire leurs valises. Un quatrième est parti, mais en posant sa démission: Roderick Tanzer, qui semble avoir été juste assez intelligent pour flairer la noyade toute proche. Les 4 personnes précitées, que Karl peine à regretter malgré ce qui se profile à l'horizon, seront remplacés par les brillants redresseurs de Busch-Jaeger. Moins de francophones pour plus de francophobes, car le petit club qui dirige Swissmetal a besoin de discipline: on met ses amis aux postes clés, pour s'assurer qu'aucun secret ne transpirera. On place une bande de liquidateurs qui dépèceront les usines suisses. Car n'allons pas croire que l'équipe de Busch-Jaeger va s'installer en Suisse: il faudra certainement leur payer de nombreux billets d'avions pour leur éviter le mal du pays et ils repartiront une fois la destruction achevée. Mais, ils n'auront pas la tâche si facile.

Pour mémoire, Busch-Jaeger a fait faillite en 2003, avec Volker Suchordt à sa tête, juste après s'être fait payer une presse flambant neuve avec de l'argent gagné à Reconvilier. Suite à cette faillite, l'usine a été rachetée par la Frankfurter Beteiligungsholding AG [FBH], une très obscure entreprise de rachat et restructurations mise en faillite depuis, dirigée par Dietrich Twietmeyer et Markus Solibieda. D. Twietmeyer fut d'ailleurs, un temps, candidat au conseil d'administration de Swissmetal. Aujourd'hui, D. Twietmeyer et M. Solibieda n'ont plus rien à voir avec Swissmetal. V. Suchordt, qui reprit Busch-Jaeger avec eux, est le seul à avoir participé à la restructuration de cette usine et à faire partie de Swissmetal. Il maintient aujourd'hui la stratégie qui mena Busch-Jaeger à la faillite en 2003: la production est de qualité médiocre pour ne pas dire misérable (par exemple en ce qui concerne les tentatives de produire des pointes de stylo) et les ventes sont réalisées grâce à une politique de prix cassés. Ainsi, Busch-Jaeger fait beaucoup de chiffre d'affaire, et certainement de la VAB, du moins tant qu'on ne boucle pas les comptes et qu'on ne sort pas les cadavres du placard (en tout cas, Swissmetal relativise diplomatiquement cette comparaison). Par exemple, il serait imaginable de faire du chiffre d'affaire en vendant à perte et en s'endettant... Un peu comme en 2003. Mais, si ce devait être le cas, soyons sûr que les dettes seraient celles de tout le groupe, et que Martinou se refuserait à comparer les sites entre eux.

Pour vous donner une idée, par l'exemple, de l'échec promis à moyen terme par la stratégie Suchordt: il n'y a pas d'employés de maintenance à Lüdenscheid, contrairement à la Boillat. Ce sont en fait les opérateurs qui s'occupent de réparer et d'entretenir leur machine. Quand on compare cette approche au niveau de qualification des mécaniciens, serruriers et électriciens de la Boillat, il y a de quoi se poser des questions. Impossible de régler ou de réparer correctement certaines machines si l'on n'est pas spécialisé en la matière, d'où le fait, entre autres, qu'à la Boillat, de très vieilles machines (certaines auraient peut-être pu fêter un jour leur centenaire) produisent efficacement. Donc, pour Volklore, si c'est comme ça à Lüdenschied, ça doit être comme ça à la Boillat. Et surtout, on ne discute pas (sauf si on est Allemand?). En tout cas, Karl imagine quels seront les emplois proposés aux travailleurs de la maintenance de la Boillat dont les postes seront prochainement supprimés: on leur demandera de devenir des opérateurs sur des machines, et de réparer à la demande. Mais il sait aussi qu'un bon mécanicien peut retrouver du travail ailleurs, et dans sa branche.

Dans ces conditions, Swissmetal veut que la Boillat augmente sa productivité pour atteindre celle -inventée jusqu'à preuve du contraire- de Busch-Jaeger. Cette augmentation se fera donc sans maintenance, avec un tiers de personnel en moins, sans argent pour préfinancer le stock de matières premières (bien des commandes ne peuvent actuellement pas être exécutées à cause de ça! Bravo la performance...) et avec un nouvel encadrement qui ne parle pas un mot de français. Parlons-en, d'ailleurs, du nouveau directeur de la Boillat: ce sera Manfred Gröning, qui aurait démontré son efficacité de restucturateur à Lüdenschied. Pourtant, comme le mentionne Sam Furrer dans le Journal du Jura, Busch-Jaeger a été entièrement restructurée avant le rachat par Swismetal. Or, Manfred Gröning ne dirige cette usine que depuis quelques mois, où il a succédé à Patrick Huber-Flotho, le jongleur de l'immobilier...

L'analyse de l'ensemble des contradictions produites par Swissmetal est de toute façon un défi surhumain. Karl va donc la laisser là, en recommandant le bas de cette page du site de JB (merci à lui!), qui rassemble bon nombre d'articles sur ces questions. Unia a aussi, de manière très directe et juste, souligné l'ampleur du délire swissmétalien. une chose est sûre: faire la sommes de toutes ces contradictions nécessite un super calculateur plutôt que Sammy ou Fridou.

Une petite dernière, toutefois, peut-être la plus mesquine (quoique... la réorientation des usines du groupe, dénoncé à juste titre comme une escroquerie intellectuelle par la Coordination "solidarité Boillat" dans son communiqué du 14 juin, c'est très relevé). Enfin, comme il est question de licenciements, il est question aussi d'un plan social. Tout le monde sait que ce dernier est âprement négocié par Swissmetal et par les représentants des employés de la Boillat et de Dornach. Arracher un centime à Swissmetal, c'est en soi une petite guerre.

Pourtant -suspens-, il y a fort à parier que le plan social des Boillat sera finalement financé par la fondation patronale, elle-même financée par les anciens dirigeants de l'usine et les Boillat eux-mêmes. Autrement dit, si ceci se produit, les Boillat auront dû négocier longuement, et durement, un argent qui leur appartient de droit. "Envie de vomir" dites-vous?