Le maîîître et ses brouzouf$
Ach, ich verstehe nichts!
Avant de plonger dans le magma du rapport semestriel de Swissmetal, une petite anecdote s'impose. Quelqu'un m'a raconté que Martin Hellweg, lorsqu'il organisait ses pompeux lavages de cerveau avec le management (la tradition existe certainement encore), avait un comportement assez espiègle avec la comptabilité. Au moment de passer la parole à Yvonne Simonis, la directrice finacière [CFO] du groupe, il lançait à l'assistance qu'il ne comprenait rien à ces histoires de comptabilité, avec un grand sourire irradiant de naïveté. Détail piquant, avant qu'Yvonne Simonis ne devienne CFO, le CFO n'était autre que Martinou lui-même. En effet, il avait estimé (avant de changer d'avis, on connaît la chanson) que Swissmetal était un trop petit groupe pour que la charge de CFO soit dévolue à une personne à plein temps. Ainsi, il cumulait le poste de CEO avec celui de CFO (et celui d'administrateur délégué).
Belle manière de se couvrir en cas de malversations avérées et de poursuites judiciaires concernant les comptes du groupe, que de placer Y. Simonis à ce poste sensible, et de dire qu'on n'y comprend rien. C'est donc elle qui, aujourd'hui, appose sa signature au bas des comptes du groupe. Martinou aurait-il quelque chose à cacher? Les comptes de Swissmetal auraient-ils la clarté (et l'odeur) du fond d'une cuve de décantation de station d'épuration? Mystère et boule de gomme!
Un autre mystère reste cette presse "polyvalente", en cours de construction à Dornach. A la Boillat, les spécialistes de la chose se sont toujours accordés à dire que cette presse ne pourrait jamais produire du Boillat. Les mêmes intéressés semblent plus circonspects sur les capacités de la presse de Busch-Jaeger. Certains pensent que, au moins pour les instruments d'écriture, cette dernière est aussi performante, voire plus, que les presses de la Boillat. D'autres considèrent que ce n'est pas le cas. Tout est que, vérification faite, l'hypothèse selon laquelle Martinou aurait misé sur la presse de Busch-Jaeger, bien avant le rachat de cette dernière, pour produire du Boillat, est plausible. Certains se demandent même si, au moment de la faillite de Busch-Jaeger, le conseil d'administration de Swissmetal n'avait pas en vue le rachat postérieur de cette entreprise, et n'aurait pas engagé Martinou avec cette idé à l'esprit.
Echo médiatique
Le rapport semestriel du groupe est donc bien difficile à déchiffrer, et une ingéniosité toute particulière à été employée à faire passer du lard pour du cochon. Ah ça... Exceptionnellement, Karl tire son chapeau à Martin Hellweg, pour ce rapport tant alambiqué, rempli de fausses pistes, de sous-entendus, et dosé avec un soin tout particulier. Vraiment c'est du travail d'orfèvre. Lard ou cochon, une chose est sûre, c'est une sacrée choucroute! L'opération est d'ailleurs couronnée de succès, puisque la dépêche ATS fut titrée, de manière très hasardeuse, "Swissmetal a fait bondir ses ventes" (ce n'est pas le cas). La palme du jemenfoutisme journalistique revient néanmoins au journaliste de la RSR, Claude Reusser, qui s'est contenté de relire quelques mots de Martinou en guise de commentaire, puis de les pondérer de la manière la plus stupide qui soit, en reprenant la thèse absurde du problème de communication (ils sont d'accord, mais ils ne se sont pas compris).
Dans le Journal du Jura du 23 août (merci à JB pour sa persévérance!), David Joly (Philippe Oudot est en vacances) résume la conférence de presse de Swissmetal, tenue à Zürich. En gros, Fridou était content de voir moins de journalistes qu'à l'accoutumée, preuve, selon lui, que l'affaire se tasse. Martinou, quant à lui, est satisfait de son épuration (ou purge), et estime avoir gardé des gens avec qui il est plus facile de travailler. La terreur est, selon Montesquieu, l'instrument de pouvoir du gouvernement tyrannique. Ce gouvernement étant l'une des 3 formes de gouvernement qu'il décrit. Les autres sont la monarchie (dont l'instrument est l'honneur et ces trucs chevaleresques) et la démocratie (dont l'instrument est la vertu). Inutile de se demander ce qu'on a choisi, comme gouvernement, chez SM.
Pour exprimer la volonté du groupe de travailler sur le long-terme, Fridou a parlé ainsi: "Nous ne courons pas un sprint, mais un marathon". "Expatrié" a beaucoup apprécié. Et, apparemment, il faut croire que le plagiat est dans l'air du temps. Dans ce "marathon", la clique swissmetalienne estime qu'il faudra 1 à 2 ans pour parvenir à atteindre les objectifs "industriels" du groupe, notamment remettre la Boillat sur les rails. 2 ans, donc, pour pomper ce qui est intéressant à la Boillat, et le déverser chez Busch-Jaeger.
Karl n'oublie pas un dernier article, paru le 22 août dans Le Quotidien jurassien sous la plume de Dominique Bernardin. Il y donne la parole à Nicolas Wuillemin, qu'il présente, à juste titre, mais l'expression est néanmoins douloureuse, comme un "ex-leader". Le temps passe mais l'intégrité de Nicolas Wuillemin reste. Au sein d'une vision légitimement pessimiste de la situation, le propos reste nuancé, nullement revanchard et, dit l'"ex-leader" (Karl ne l'écrira pas sans les guillemets): "Et si c'était à refaire, je recommencerais immédiatement, sans aucune hésitation".
Ledit rapport
L'analyse présentée ici est décevante, et quelques recherches la rendront peut-être, dans un prochain "édito", un peu plus intéressante. Elle est décevante, parce qu'elle couche sur le papier ce petit monde d'illusion dont on se berce chez Swissmetal. Les actionnaires, d'ailleurs, sont relativement méfiants, l'action du groupe s'appréciant, mais sur de petits volumes (les gros volumes, échangés hors bourse, marquent une faible progression). Ainsi, trouver la réalité en partant de l'illusion s'avère être une tâche compliquée. Monsieur Spock, au secours!
Tout d'abord, si l'on en croit cet article du Temps, et d'autres, il faut relever que la conjoncture économique est excellente, même exceptionnelle, notamment pour l'industrie. Swissmetal, c'est le moins qu'on puisse dire, n'a pas suivi cette hausse.
Rien que le titre du rapport... Mais où vont-ils chercher ça? Taking part in a success story! Il faut oser, c'est sûr. Suit le petit billet de Martin Hellweg, qui se présente comme le messie qui, ô miracle, écrit: "Swissmetal me préoccupe depuis le jour où, il y a trois ans, j'ai franchis pour la première fois le seuil de l'entreprise". Solennellement, il a décidé que, comme il travaillait pour Swissmetal, ça allait le préoccuper. Quel sens professionnel! La page se termine par: "Il s'agit maintenant [...] de poursuivre notre quête vers de nouveaux marché par un effort offensif commun tous sites confondus pour lutter contre de réels concurrents et non contre un site faisant partie du même groupe". Pour tempérer ces propos de grand capitaine d'industrie, Karl signalera que Busch-Jaeger mène en ce moment des audit et des réunion à la Boillat, dont le but serait de "mettre en commun" différente méthodes de production. Rien à voir avec du pompage de savoir-faire. Certains produit sont fondus et ébauchés à la Boillat, puis finis et vendus par Busch-Jaeger. Rien à voir avec un déplacement de production, destiné à gonfler les bénéfices de Lüdenscheid au détriment de Reconvilier. Rien à voir non plus avec le fait que les commandes de la Boillat sont soumises à Busch-Jaeger, qui peut s'empresser de faire une offre maison au client. Non, non, rien à voir. Circulez, y'a rien à voir, qu'on vous dit! Ah si, une petite chose quand même: certains clients allemands en sont maintenant à réclamer de la "Boillat Qualität" sur leurs bulletins de commande.
Le Torchinou ne paraît plus, mais le rapport semestriel est décidément à la hauteur!
Dans les "Remarques préliminaires", page 4, on apprend que "l'érosion des prix dans divers secteurs de produits standards" pose toujours problème. Dornach continue donc probablement à faire perdre de l'argent au groupe.
Passons aux chiffres
Le chiffre d'affaire est en augmentation de 53%. Si l'on tiens compte de la consolidation de Busch-Jaeger et de la vente de matières premières (pour 6 millions de francs de bénéfice, soit pour environ 12 millions de chiffre d'affaire, soit pour environ 6% de ce dernier), ce chiffre est assez normal. On peut dire que, dans l'ensemble, le chiffre d'affaire du groupe est en augmentation, Busch-Jaeger n'ayant pas un taille équivalent à un tiers du groupe, mais plutôt à un quart.
Le temps se gâte très vite, toutefois, puisque la valeur ajoutée brute [VAB] n'augmente que de 13% (on pourrait logiquement attendre qu'elle augmente de 50%, mais il est mentionné que la méthode de calcul de Busch-Jaeger n'est pas la même que celle du groupe, allez savoir pourquoi). Autrement dit, Swissmetal vend un peu plus, mais avec un profit beaucoup moins élevé qu'auparavant. Les amortissements sont aussi un chiffre laissant songeur: ils augmentent de seulement 11%, alors que Busch-Jaeger est inclu. Cependant, comme à Lüdenscheid il semble qu'aucun amortissement ne soit comptabilisé, la chose peut s'expliquer. Mais alors, n'est-ce pas là une manière artificielle de diminuer les charges?
Le résultat d'exploitation [EBIT] est le chiffre mis en avant par Swissmetal. Il augmente de 129%, ce qui peut paraître grand, à plus de 6 millions de francs. Sans la grève, dont les pertes directes sont estimées à 4 à 5 millions de francs, il dépasserait les 10 millions. Néanmoins, le résultat financier négatif du groupe (1 million de pertes, à cause de Busch-Jaeger, entre autres, indique le rapport) plombe ce chiffre une première fois. Et les impôts, en augmentation de 234% (l'Etat allemand doit y être pour quelque chose!) achève de ramener ce résultat, dans sa version finale (l'EAT) à un peu plus de 3 millions de francs, soit une augmentation de 23% par rapport à 2005. Cependant, pour une entreprise ayant 874 postes de travail, 3 millions de bénéfices, c'est peu, et facile à manipuler, surtout en vendant pour 6 millions de francs de stock. On sait que, au premier trimestre 2006, Swissmetal annonçait avoir vendu pour un béféice d'environ 5 millions de francs de stock, pour financer le rachat de Busch-Jaeger. Le dernier million vient ensuite, et a donc été destiné à produire ces 23% d'augmentation, qui sont le chiffre retenu par les médias.
En gros, la stratégie comptable de Martinou consiste donc à rassurer l'investisseur, en affichant un bénéfice en progression. La composition de ce bénéfice, la potentialité qu'a le groupe à poursuivre cette progression, tout cela est ignoré. 23%, c'est tout ce qui compte. Il faut donc poursuivre la lecture.
Un autre chiffre amusant, page 6, est celui de l'augmentation des fonds étrangers. En 6 mois, les fonds étrangers à court terme ont augmenté de 177%, soit de plus de 40 millions. Les fonds étrangers à long terme augmentent aussi, de plus de 6 millions. On en arrive à plus de 86 millions de francs de fonds étrangers, dont la majorité à court terme... Usuellement, à part pour, par exemple, une start up, une entreprise devrait avoir un montant de fonds étrangers qui ne dépasse pas celui des fonds propres (125 millions chez Swissmetal). A ce rythme, le gyrophare rouge risque de s'allumer à la fin de l'année (l'endettement du groupe devrait néanmoins être moins rapide sur le second semestre, mais avec les pertes de clients et les retours de commandes, Karl ne pariera pas). Ou bien alors, Swissmetal deviendra une start up avec un pourcentage élevé de capital-risque, sait-on jamais.
Plus gros que les 129% de l'augmentation de l'EBIT, nous avons donc les 234% d'augmentation des impôts, et les 177% d'augmentation des fonds étrangers à court terme. Martinou ne serait-il pas en train de vider l'entreprise de sa substance, dont il parle de manière tant élogieuse? Heureusement, il y a les 120 millions de francs de stock pour mettre du baume sur le coeur de l'investisseur qui douterait. En fait, il doit s'agir d'un stock de somnifères, pour faire dooormir les sceptiques.
Tout est que la justification de Swissmetal, à propos de ce creusage de trou, consiste à dire que la ligne de crédit est utilisée plus... à fond, et que l'endettement auprès des fournisseurs augmente fortement (à cause de l'activité plus soutenue, disent ces petits comiques). Swissmetal achèteterait-il ses matières premières à crédit? Qui plus est, pour les revendre, une fois transformées en produits finis sous forme d'alliages ouvrés à des prix bien moindre (moitié prix environ), sur le marché des métaux?
Le stock de métaux vendu actuellement par Swissmetal à un lointain acheteur (merci les frais de transport) est déplacé avec une telle urgence et une telle inflexibilité qu'on peut se demander s'il n'a pas été payé au groupe sous forme d'avances destinées à enjoliver ses comptes. Ou bien, s'agit-il seulement de payer les salaires le mois prochain? De rembourser une dette à court terme? Ou encore d'autre chose?
Reste que, l'endettement cheminant, il est noté que les liquidités du groupe, de plus 2,4 millions en début d'année, se situent à moins 29,3 millions à fin juin.
Encore sur cette page 6, on peut relever le paiement d'un goodwill de 5 millions de francs. Un goodwill est ce qui est payé pour la valeur incorporelle d'une entreprise (par exemple, son image de marque, sa fidèle clientèle, etc.). Malheureusement, je ne vois pas à quoi ce goodwill a trait. Celui d'Avins, peut-être, puisqu'il date du 30 juin... A débattre.
La page 7 nous montre, en résumé, que les investissements de Swissmetal ont nettement augmenté en 2006. Il s'agit ici, en particulier, du rachat de Busch-Jaeger, et des 4 millions déjà avancés pour la nouvelle presse de Dornach. D'où cette augmentation de l'operating cash flow, dont Swissmetal se sert, logiquement d'ailleurs, pour démontrer sa volonté d'investir à long terme. Le bât blesse tout de même au moment de contempler l'état du free cash flow (l'argent disponible au moment où les investissement, dettes, etc ont été payés: bref, ce qui reste dans la tirelire, par exemple pour payer des dividendes aux actionnaires). Le free cash flow était négatif de quelques francs au premier trimestre (le rachat de Busch-Jaeger avait donc, si l'on en croit Swissmetal, été payé). Maintenant, le revoilà négatif de 4,4 millions. Vide, la tirelire, le petit cochon en porcelaine est au régime.
En fin de rapport, on apprend que l'entreprise Swissmetal Italia a été mise en cessation d'activité et déconsolidée au 30 juin. D'après ce que Karl a pu entendre, il s'agirait là, une fois n'est pas coutume, d'un choix intelligent de Martinou, puisque cette entreprise coûtait cher au groupe et ne rapportait rien d'intéressant. Quelques pourcents de commission pris sur chaque commande, et pas de démarchage de nouveaux clients... A ce tarif, Swissmetal peut en effet se débrouiller en Italie sans cette succursale. L'opportunité semble être venue du fait que le patron de cette entreprise, ancien membre du conseil d'administration du groupe, a pris sa retraite (hem!). Néanmoins, la "stratégie" de Martinou affirmait que le groupe devait être présent dans ses marchés clé, dont l'Italie. Nous ne sommes plus à une contradiction près.
Un peu de rigolade pour clore
Un Boillat encore à la Boillat a fait parvenir à Karl un document intitulé "ma vision de l'avenir", vision qui concernait son usine. Face au document Word qui pèse ses 78Ko, Karl s'est dit : "Oulala, que de lecture! Il y en a pour quelques pages de théories sérieuses, détaillées, argumentées. Et des échanges d'emails en vue pour demander des explications supplémentaires, et ne tirer un maximum. Karl, tu n'es pas sorti de l'auberge, ça non. Courage, ça doit être intéressant". Puis Karl a ouvert le document, et a appris que parfois, une image remplace sans difficulté des montagnes de mots. Puissiez-vous me pardonner les montagnes en question, en regardant cette vision de l'avenir.
Avant de plonger dans le magma du rapport semestriel de Swissmetal, une petite anecdote s'impose. Quelqu'un m'a raconté que Martin Hellweg, lorsqu'il organisait ses pompeux lavages de cerveau avec le management (la tradition existe certainement encore), avait un comportement assez espiègle avec la comptabilité. Au moment de passer la parole à Yvonne Simonis, la directrice finacière [CFO] du groupe, il lançait à l'assistance qu'il ne comprenait rien à ces histoires de comptabilité, avec un grand sourire irradiant de naïveté. Détail piquant, avant qu'Yvonne Simonis ne devienne CFO, le CFO n'était autre que Martinou lui-même. En effet, il avait estimé (avant de changer d'avis, on connaît la chanson) que Swissmetal était un trop petit groupe pour que la charge de CFO soit dévolue à une personne à plein temps. Ainsi, il cumulait le poste de CEO avec celui de CFO (et celui d'administrateur délégué).
Belle manière de se couvrir en cas de malversations avérées et de poursuites judiciaires concernant les comptes du groupe, que de placer Y. Simonis à ce poste sensible, et de dire qu'on n'y comprend rien. C'est donc elle qui, aujourd'hui, appose sa signature au bas des comptes du groupe. Martinou aurait-il quelque chose à cacher? Les comptes de Swissmetal auraient-ils la clarté (et l'odeur) du fond d'une cuve de décantation de station d'épuration? Mystère et boule de gomme!
Un autre mystère reste cette presse "polyvalente", en cours de construction à Dornach. A la Boillat, les spécialistes de la chose se sont toujours accordés à dire que cette presse ne pourrait jamais produire du Boillat. Les mêmes intéressés semblent plus circonspects sur les capacités de la presse de Busch-Jaeger. Certains pensent que, au moins pour les instruments d'écriture, cette dernière est aussi performante, voire plus, que les presses de la Boillat. D'autres considèrent que ce n'est pas le cas. Tout est que, vérification faite, l'hypothèse selon laquelle Martinou aurait misé sur la presse de Busch-Jaeger, bien avant le rachat de cette dernière, pour produire du Boillat, est plausible. Certains se demandent même si, au moment de la faillite de Busch-Jaeger, le conseil d'administration de Swissmetal n'avait pas en vue le rachat postérieur de cette entreprise, et n'aurait pas engagé Martinou avec cette idé à l'esprit.
Echo médiatique
Le rapport semestriel du groupe est donc bien difficile à déchiffrer, et une ingéniosité toute particulière à été employée à faire passer du lard pour du cochon. Ah ça... Exceptionnellement, Karl tire son chapeau à Martin Hellweg, pour ce rapport tant alambiqué, rempli de fausses pistes, de sous-entendus, et dosé avec un soin tout particulier. Vraiment c'est du travail d'orfèvre. Lard ou cochon, une chose est sûre, c'est une sacrée choucroute! L'opération est d'ailleurs couronnée de succès, puisque la dépêche ATS fut titrée, de manière très hasardeuse, "Swissmetal a fait bondir ses ventes" (ce n'est pas le cas). La palme du jemenfoutisme journalistique revient néanmoins au journaliste de la RSR, Claude Reusser, qui s'est contenté de relire quelques mots de Martinou en guise de commentaire, puis de les pondérer de la manière la plus stupide qui soit, en reprenant la thèse absurde du problème de communication (ils sont d'accord, mais ils ne se sont pas compris).
La présentatrice du journal: "Et ces conflits opposent toujours, et depuis longtemps, Dornach dans le canton de Soleure, et Reconvilier dans le Jura bernois?""Intégration opérationnelle", ça fait bien, dites! C'est intéressant, "l'intégration opérationnelle" de 2 sites, qui ne produisent pas la même chose (et donc pas avec les mêmes techniques) pour des clients différents. A quelques exceptions près toutefois. C'est aussi intéressant, "l'intégration opérationnelle" d'un site très déficitaire à un autre très rentable. Quant à "fusionner avec Swissmetal", alors que Swissmetal, c'est justement, au moins, ces 2 sites... Dans le film Le Dîner de cons, on appelle ça un champion du monde. Comme la radinerie n'est pas le propre de la maison, il est possible, en l'occurence, de décerner 2 médailles d'or, l'original valant bien la copie, même si les participants doivent être dopés pour parvenir à de telles performances. Pour la médaille d'argent, on retiendra Sam Furrer, auteur de cette "étude culturelle", dont le parfait bilinguisme et l'absence totale d'a priori sur les Suisses romands ont garanti l'impartialité.
Claude Reusser: "C'est vrai [sur le ton pensif du spécialiste qui fournit un effort monumental de synthèse] que c'est un conflit ancien qui date même d'avant de l'arrivée de Martin Hellweg en tant que patron de Swissmetal [et le dérapage commence...] puisque la fusion entre la Boillat et le site de Dornach n'a jamais vraiment pris. Pendant presque 2 décennies, les responsables de ces sites se sont opposés avec succès à une vraie intégration opérationnelle. Le problème, c'est que, Martin Hellweg étant arrivé il y a 3 ans à la tête de l'entreprise, tout en ayant demandé un genre d'étude culturelle sur ces 2 sites, n'a pas tiré les bonnes conclusions qui s'imposaient [il faut y aller, pour ne pas tirer de bonne conclusions qui s'imposent!]. Il n'a pas non plus trouvé le moyen de dialoguer et de transmettre ses idées pour obtenir enfin une réelle collaboration de ces 2 sites".
Phrase de Martinou à la première page du rapport semestriel (les différences sont subtiles!): "On pourrait également appeler cela une étude culturelle. Cette étude a montré un profond fossé voire même dans des cas isolés une rancune de longue date entre les sites de Swissmetal. Les responsables de ces sites n’ont jamais voulu fusionner avec Swissmetal qui a vu le jour il y a vingt ans. Et, pendant presque deux décennies, ils se sont opposés avec succès à une vraie intégration opérationnelle".
Dans le Journal du Jura du 23 août (merci à JB pour sa persévérance!), David Joly (Philippe Oudot est en vacances) résume la conférence de presse de Swissmetal, tenue à Zürich. En gros, Fridou était content de voir moins de journalistes qu'à l'accoutumée, preuve, selon lui, que l'affaire se tasse. Martinou, quant à lui, est satisfait de son épuration (ou purge), et estime avoir gardé des gens avec qui il est plus facile de travailler. La terreur est, selon Montesquieu, l'instrument de pouvoir du gouvernement tyrannique. Ce gouvernement étant l'une des 3 formes de gouvernement qu'il décrit. Les autres sont la monarchie (dont l'instrument est l'honneur et ces trucs chevaleresques) et la démocratie (dont l'instrument est la vertu). Inutile de se demander ce qu'on a choisi, comme gouvernement, chez SM.
Pour exprimer la volonté du groupe de travailler sur le long-terme, Fridou a parlé ainsi: "Nous ne courons pas un sprint, mais un marathon". "Expatrié" a beaucoup apprécié. Et, apparemment, il faut croire que le plagiat est dans l'air du temps. Dans ce "marathon", la clique swissmetalienne estime qu'il faudra 1 à 2 ans pour parvenir à atteindre les objectifs "industriels" du groupe, notamment remettre la Boillat sur les rails. 2 ans, donc, pour pomper ce qui est intéressant à la Boillat, et le déverser chez Busch-Jaeger.
Karl n'oublie pas un dernier article, paru le 22 août dans Le Quotidien jurassien sous la plume de Dominique Bernardin. Il y donne la parole à Nicolas Wuillemin, qu'il présente, à juste titre, mais l'expression est néanmoins douloureuse, comme un "ex-leader". Le temps passe mais l'intégrité de Nicolas Wuillemin reste. Au sein d'une vision légitimement pessimiste de la situation, le propos reste nuancé, nullement revanchard et, dit l'"ex-leader" (Karl ne l'écrira pas sans les guillemets): "Et si c'était à refaire, je recommencerais immédiatement, sans aucune hésitation".
Ledit rapport
L'analyse présentée ici est décevante, et quelques recherches la rendront peut-être, dans un prochain "édito", un peu plus intéressante. Elle est décevante, parce qu'elle couche sur le papier ce petit monde d'illusion dont on se berce chez Swissmetal. Les actionnaires, d'ailleurs, sont relativement méfiants, l'action du groupe s'appréciant, mais sur de petits volumes (les gros volumes, échangés hors bourse, marquent une faible progression). Ainsi, trouver la réalité en partant de l'illusion s'avère être une tâche compliquée. Monsieur Spock, au secours!
Tout d'abord, si l'on en croit cet article du Temps, et d'autres, il faut relever que la conjoncture économique est excellente, même exceptionnelle, notamment pour l'industrie. Swissmetal, c'est le moins qu'on puisse dire, n'a pas suivi cette hausse.
Rien que le titre du rapport... Mais où vont-ils chercher ça? Taking part in a success story! Il faut oser, c'est sûr. Suit le petit billet de Martin Hellweg, qui se présente comme le messie qui, ô miracle, écrit: "Swissmetal me préoccupe depuis le jour où, il y a trois ans, j'ai franchis pour la première fois le seuil de l'entreprise". Solennellement, il a décidé que, comme il travaillait pour Swissmetal, ça allait le préoccuper. Quel sens professionnel! La page se termine par: "Il s'agit maintenant [...] de poursuivre notre quête vers de nouveaux marché par un effort offensif commun tous sites confondus pour lutter contre de réels concurrents et non contre un site faisant partie du même groupe". Pour tempérer ces propos de grand capitaine d'industrie, Karl signalera que Busch-Jaeger mène en ce moment des audit et des réunion à la Boillat, dont le but serait de "mettre en commun" différente méthodes de production. Rien à voir avec du pompage de savoir-faire. Certains produit sont fondus et ébauchés à la Boillat, puis finis et vendus par Busch-Jaeger. Rien à voir avec un déplacement de production, destiné à gonfler les bénéfices de Lüdenscheid au détriment de Reconvilier. Rien à voir non plus avec le fait que les commandes de la Boillat sont soumises à Busch-Jaeger, qui peut s'empresser de faire une offre maison au client. Non, non, rien à voir. Circulez, y'a rien à voir, qu'on vous dit! Ah si, une petite chose quand même: certains clients allemands en sont maintenant à réclamer de la "Boillat Qualität" sur leurs bulletins de commande.
Le Torchinou ne paraît plus, mais le rapport semestriel est décidément à la hauteur!
Dans les "Remarques préliminaires", page 4, on apprend que "l'érosion des prix dans divers secteurs de produits standards" pose toujours problème. Dornach continue donc probablement à faire perdre de l'argent au groupe.
Passons aux chiffres
Le chiffre d'affaire est en augmentation de 53%. Si l'on tiens compte de la consolidation de Busch-Jaeger et de la vente de matières premières (pour 6 millions de francs de bénéfice, soit pour environ 12 millions de chiffre d'affaire, soit pour environ 6% de ce dernier), ce chiffre est assez normal. On peut dire que, dans l'ensemble, le chiffre d'affaire du groupe est en augmentation, Busch-Jaeger n'ayant pas un taille équivalent à un tiers du groupe, mais plutôt à un quart.
Le temps se gâte très vite, toutefois, puisque la valeur ajoutée brute [VAB] n'augmente que de 13% (on pourrait logiquement attendre qu'elle augmente de 50%, mais il est mentionné que la méthode de calcul de Busch-Jaeger n'est pas la même que celle du groupe, allez savoir pourquoi). Autrement dit, Swissmetal vend un peu plus, mais avec un profit beaucoup moins élevé qu'auparavant. Les amortissements sont aussi un chiffre laissant songeur: ils augmentent de seulement 11%, alors que Busch-Jaeger est inclu. Cependant, comme à Lüdenscheid il semble qu'aucun amortissement ne soit comptabilisé, la chose peut s'expliquer. Mais alors, n'est-ce pas là une manière artificielle de diminuer les charges?
Le résultat d'exploitation [EBIT] est le chiffre mis en avant par Swissmetal. Il augmente de 129%, ce qui peut paraître grand, à plus de 6 millions de francs. Sans la grève, dont les pertes directes sont estimées à 4 à 5 millions de francs, il dépasserait les 10 millions. Néanmoins, le résultat financier négatif du groupe (1 million de pertes, à cause de Busch-Jaeger, entre autres, indique le rapport) plombe ce chiffre une première fois. Et les impôts, en augmentation de 234% (l'Etat allemand doit y être pour quelque chose!) achève de ramener ce résultat, dans sa version finale (l'EAT) à un peu plus de 3 millions de francs, soit une augmentation de 23% par rapport à 2005. Cependant, pour une entreprise ayant 874 postes de travail, 3 millions de bénéfices, c'est peu, et facile à manipuler, surtout en vendant pour 6 millions de francs de stock. On sait que, au premier trimestre 2006, Swissmetal annonçait avoir vendu pour un béféice d'environ 5 millions de francs de stock, pour financer le rachat de Busch-Jaeger. Le dernier million vient ensuite, et a donc été destiné à produire ces 23% d'augmentation, qui sont le chiffre retenu par les médias.
En gros, la stratégie comptable de Martinou consiste donc à rassurer l'investisseur, en affichant un bénéfice en progression. La composition de ce bénéfice, la potentialité qu'a le groupe à poursuivre cette progression, tout cela est ignoré. 23%, c'est tout ce qui compte. Il faut donc poursuivre la lecture.
Un autre chiffre amusant, page 6, est celui de l'augmentation des fonds étrangers. En 6 mois, les fonds étrangers à court terme ont augmenté de 177%, soit de plus de 40 millions. Les fonds étrangers à long terme augmentent aussi, de plus de 6 millions. On en arrive à plus de 86 millions de francs de fonds étrangers, dont la majorité à court terme... Usuellement, à part pour, par exemple, une start up, une entreprise devrait avoir un montant de fonds étrangers qui ne dépasse pas celui des fonds propres (125 millions chez Swissmetal). A ce rythme, le gyrophare rouge risque de s'allumer à la fin de l'année (l'endettement du groupe devrait néanmoins être moins rapide sur le second semestre, mais avec les pertes de clients et les retours de commandes, Karl ne pariera pas). Ou bien alors, Swissmetal deviendra une start up avec un pourcentage élevé de capital-risque, sait-on jamais.
Plus gros que les 129% de l'augmentation de l'EBIT, nous avons donc les 234% d'augmentation des impôts, et les 177% d'augmentation des fonds étrangers à court terme. Martinou ne serait-il pas en train de vider l'entreprise de sa substance, dont il parle de manière tant élogieuse? Heureusement, il y a les 120 millions de francs de stock pour mettre du baume sur le coeur de l'investisseur qui douterait. En fait, il doit s'agir d'un stock de somnifères, pour faire dooormir les sceptiques.
Tout est que la justification de Swissmetal, à propos de ce creusage de trou, consiste à dire que la ligne de crédit est utilisée plus... à fond, et que l'endettement auprès des fournisseurs augmente fortement (à cause de l'activité plus soutenue, disent ces petits comiques). Swissmetal achèteterait-il ses matières premières à crédit? Qui plus est, pour les revendre, une fois transformées en produits finis sous forme d'alliages ouvrés à des prix bien moindre (moitié prix environ), sur le marché des métaux?
Le stock de métaux vendu actuellement par Swissmetal à un lointain acheteur (merci les frais de transport) est déplacé avec une telle urgence et une telle inflexibilité qu'on peut se demander s'il n'a pas été payé au groupe sous forme d'avances destinées à enjoliver ses comptes. Ou bien, s'agit-il seulement de payer les salaires le mois prochain? De rembourser une dette à court terme? Ou encore d'autre chose?
Reste que, l'endettement cheminant, il est noté que les liquidités du groupe, de plus 2,4 millions en début d'année, se situent à moins 29,3 millions à fin juin.
Encore sur cette page 6, on peut relever le paiement d'un goodwill de 5 millions de francs. Un goodwill est ce qui est payé pour la valeur incorporelle d'une entreprise (par exemple, son image de marque, sa fidèle clientèle, etc.). Malheureusement, je ne vois pas à quoi ce goodwill a trait. Celui d'Avins, peut-être, puisqu'il date du 30 juin... A débattre.
La page 7 nous montre, en résumé, que les investissements de Swissmetal ont nettement augmenté en 2006. Il s'agit ici, en particulier, du rachat de Busch-Jaeger, et des 4 millions déjà avancés pour la nouvelle presse de Dornach. D'où cette augmentation de l'operating cash flow, dont Swissmetal se sert, logiquement d'ailleurs, pour démontrer sa volonté d'investir à long terme. Le bât blesse tout de même au moment de contempler l'état du free cash flow (l'argent disponible au moment où les investissement, dettes, etc ont été payés: bref, ce qui reste dans la tirelire, par exemple pour payer des dividendes aux actionnaires). Le free cash flow était négatif de quelques francs au premier trimestre (le rachat de Busch-Jaeger avait donc, si l'on en croit Swissmetal, été payé). Maintenant, le revoilà négatif de 4,4 millions. Vide, la tirelire, le petit cochon en porcelaine est au régime.
En fin de rapport, on apprend que l'entreprise Swissmetal Italia a été mise en cessation d'activité et déconsolidée au 30 juin. D'après ce que Karl a pu entendre, il s'agirait là, une fois n'est pas coutume, d'un choix intelligent de Martinou, puisque cette entreprise coûtait cher au groupe et ne rapportait rien d'intéressant. Quelques pourcents de commission pris sur chaque commande, et pas de démarchage de nouveaux clients... A ce tarif, Swissmetal peut en effet se débrouiller en Italie sans cette succursale. L'opportunité semble être venue du fait que le patron de cette entreprise, ancien membre du conseil d'administration du groupe, a pris sa retraite (hem!). Néanmoins, la "stratégie" de Martinou affirmait que le groupe devait être présent dans ses marchés clé, dont l'Italie. Nous ne sommes plus à une contradiction près.
Un peu de rigolade pour clore
Un Boillat encore à la Boillat a fait parvenir à Karl un document intitulé "ma vision de l'avenir", vision qui concernait son usine. Face au document Word qui pèse ses 78Ko, Karl s'est dit : "Oulala, que de lecture! Il y en a pour quelques pages de théories sérieuses, détaillées, argumentées. Et des échanges d'emails en vue pour demander des explications supplémentaires, et ne tirer un maximum. Karl, tu n'es pas sorti de l'auberge, ça non. Courage, ça doit être intéressant". Puis Karl a ouvert le document, et a appris que parfois, une image remplace sans difficulté des montagnes de mots. Puissiez-vous me pardonner les montagnes en question, en regardant cette vision de l'avenir.