vendredi, août 25, 2006

Le maîîître et ses brouzouf$

Ach, ich verstehe nichts!

Avant de plonger dans le magma du rapport semestriel de Swissmetal, une petite anecdote s'impose. Quelqu'un m'a raconté que Martin Hellweg, lorsqu'il organisait ses pompeux lavages de cerveau avec le management (la tradition existe certainement encore), avait un comportement assez espiègle avec la comptabilité. Au moment de passer la parole à Yvonne Simonis, la directrice finacière [CFO] du groupe, il lançait à l'assistance qu'il ne comprenait rien à ces histoires de comptabilité, avec un grand sourire irradiant de naïveté. Détail piquant, avant qu'Yvonne Simonis ne devienne CFO, le CFO n'était autre que Martinou lui-même. En effet, il avait estimé (avant de changer d'avis, on connaît la chanson) que Swissmetal était un trop petit groupe pour que la charge de CFO soit dévolue à une personne à plein temps. Ainsi, il cumulait le poste de CEO avec celui de CFO (et celui d'administrateur délégué).

Belle manière de se couvrir en cas de malversations avérées et de poursuites judiciaires concernant les comptes du groupe, que de placer Y. Simonis à ce poste sensible, et de dire qu'on n'y comprend rien. C'est donc elle qui, aujourd'hui, appose sa signature au bas des comptes du groupe. Martinou aurait-il quelque chose à cacher? Les comptes de Swissmetal auraient-ils la clarté (et l'odeur) du fond d'une cuve de décantation de station d'épuration? Mystère et boule de gomme!

Un autre mystère reste cette presse "polyvalente", en cours de construction à Dornach. A la Boillat, les spécialistes de la chose se sont toujours accordés à dire que cette presse ne pourrait jamais produire du Boillat. Les mêmes intéressés semblent plus circonspects sur les capacités de la presse de Busch-Jaeger. Certains pensent que, au moins pour les instruments d'écriture, cette dernière est aussi performante, voire plus, que les presses de la Boillat. D'autres considèrent que ce n'est pas le cas. Tout est que, vérification faite, l'hypothèse selon laquelle Martinou aurait misé sur la presse de Busch-Jaeger, bien avant le rachat de cette dernière, pour produire du Boillat, est plausible. Certains se demandent même si, au moment de la faillite de Busch-Jaeger, le conseil d'administration de Swissmetal n'avait pas en vue le rachat postérieur de cette entreprise, et n'aurait pas engagé Martinou avec cette idé à l'esprit.


Echo médiatique

Le rapport semestriel du groupe est donc bien difficile à déchiffrer, et une ingéniosité toute particulière à été employée à faire passer du lard pour du cochon. Ah ça... Exceptionnellement, Karl tire son chapeau à Martin Hellweg, pour ce rapport tant alambiqué, rempli de fausses pistes, de sous-entendus, et dosé avec un soin tout particulier. Vraiment c'est du travail d'orfèvre. Lard ou cochon, une chose est sûre, c'est une sacrée choucroute! L'opération est d'ailleurs couronnée de succès, puisque la dépêche ATS fut titrée, de manière très hasardeuse, "Swissmetal a fait bondir ses ventes" (ce n'est pas le cas). La palme du jemenfoutisme journalistique revient néanmoins au journaliste de la RSR, Claude Reusser, qui s'est contenté de relire quelques mots de Martinou en guise de commentaire, puis de les pondérer de la manière la plus stupide qui soit, en reprenant la thèse absurde du problème de communication (ils sont d'accord, mais ils ne se sont pas compris).
La présentatrice du journal: "Et ces conflits opposent toujours, et depuis longtemps, Dornach dans le canton de Soleure, et Reconvilier dans le Jura bernois?"

Claude Reusser: "C'est vrai [sur le ton pensif du spécialiste qui fournit un effort monumental de synthèse] que c'est un conflit ancien qui date même d'avant de l'arrivée de Martin Hellweg en tant que patron de Swissmetal [et le dérapage commence...] puisque la fusion entre la Boillat et le site de Dornach n'a jamais vraiment pris. Pendant presque 2 décennies, les responsables de ces sites se sont opposés avec succès à une vraie intégration opérationnelle. Le problème, c'est que, Martin Hellweg étant arrivé il y a 3 ans à la tête de l'entreprise, tout en ayant demandé un genre d'étude culturelle sur ces 2 sites, n'a pas tiré les bonnes conclusions qui s'imposaient [il faut y aller, pour ne pas tirer de bonne conclusions qui s'imposent!]. Il n'a pas non plus trouvé le moyen de dialoguer et de transmettre ses idées pour obtenir enfin une réelle collaboration de ces 2 sites".

Phrase de Martinou à la première page du rapport semestriel (les différences sont subtiles!): "On pourrait également appeler cela une étude culturelle. Cette étude a montré un profond fossé voire même dans des cas isolés une rancune de longue date entre les sites de Swissmetal. Les responsables de ces sites n’ont jamais voulu fusionner avec Swissmetal qui a vu le jour il y a vingt ans. Et, pendant presque deux décennies, ils se sont opposés avec succès à une vraie intégration opérationnelle".
"Intégration opérationnelle", ça fait bien, dites! C'est intéressant, "l'intégration opérationnelle" de 2 sites, qui ne produisent pas la même chose (et donc pas avec les mêmes techniques) pour des clients différents. A quelques exceptions près toutefois. C'est aussi intéressant, "l'intégration opérationnelle" d'un site très déficitaire à un autre très rentable. Quant à "fusionner avec Swissmetal", alors que Swissmetal, c'est justement, au moins, ces 2 sites... Dans le film Le Dîner de cons, on appelle ça un champion du monde. Comme la radinerie n'est pas le propre de la maison, il est possible, en l'occurence, de décerner 2 médailles d'or, l'original valant bien la copie, même si les participants doivent être dopés pour parvenir à de telles performances. Pour la médaille d'argent, on retiendra Sam Furrer, auteur de cette "étude culturelle", dont le parfait bilinguisme et l'absence totale d'a priori sur les Suisses romands ont garanti l'impartialité.

Dans le Journal du Jura du 23 août (merci à JB pour sa persévérance!), David Joly (Philippe Oudot est en vacances) résume la conférence de presse de Swissmetal, tenue à Zürich. En gros, Fridou était content de voir moins de journalistes qu'à l'accoutumée, preuve, selon lui, que l'affaire se tasse. Martinou, quant à lui, est satisfait de son épuration (ou purge), et estime avoir gardé des gens avec qui il est plus facile de travailler. La terreur est, selon Montesquieu, l'instrument de pouvoir du gouvernement tyrannique. Ce gouvernement étant l'une des 3 formes de gouvernement qu'il décrit. Les autres sont la monarchie (dont l'instrument est l'honneur et ces trucs chevaleresques) et la démocratie (dont l'instrument est la vertu). Inutile de se demander ce qu'on a choisi, comme gouvernement, chez SM.

Pour exprimer la volonté du groupe de travailler sur le long-terme, Fridou a parlé ainsi: "Nous ne courons pas un sprint, mais un marathon". "Expatrié" a beaucoup apprécié. Et, apparemment, il faut croire que le plagiat est dans l'air du temps. Dans ce "marathon", la clique swissmetalienne estime qu'il faudra 1 à 2 ans pour parvenir à atteindre les objectifs "industriels" du groupe, notamment remettre la Boillat sur les rails. 2 ans, donc, pour pomper ce qui est intéressant à la Boillat, et le déverser chez Busch-Jaeger.

Karl n'oublie pas un dernier article, paru le 22 août dans Le Quotidien jurassien sous la plume de Dominique Bernardin. Il y donne la parole à Nicolas Wuillemin, qu'il présente, à juste titre, mais l'expression est néanmoins douloureuse, comme un "ex-leader". Le temps passe mais l'intégrité de Nicolas Wuillemin reste. Au sein d'une vision légitimement pessimiste de la situation, le propos reste nuancé, nullement revanchard et, dit l'"ex-leader" (Karl ne l'écrira pas sans les guillemets): "Et si c'était à refaire, je recommencerais immédiatement, sans aucune hésitation".


Ledit rapport

L'analyse présentée ici est décevante, et quelques recherches la rendront peut-être, dans un prochain "édito", un peu plus intéressante. Elle est décevante, parce qu'elle couche sur le papier ce petit monde d'illusion dont on se berce chez Swissmetal. Les actionnaires, d'ailleurs, sont relativement méfiants, l'action du groupe s'appréciant, mais sur de petits volumes (les gros volumes, échangés hors bourse, marquent une faible progression). Ainsi, trouver la réalité en partant de l'illusion s'avère être une tâche compliquée. Monsieur Spock, au secours!

Tout d'abord, si l'on en croit cet article du Temps, et d'autres, il faut relever que la conjoncture économique est excellente, même exceptionnelle, notamment pour l'industrie. Swissmetal, c'est le moins qu'on puisse dire, n'a pas suivi cette hausse.

Rien que le titre du rapport... Mais où vont-ils chercher ça? Taking part in a success story! Il faut oser, c'est sûr. Suit le petit billet de Martin Hellweg, qui se présente comme le messie qui, ô miracle, écrit: "Swissmetal me préoccupe depuis le jour où, il y a trois ans, j'ai franchis pour la première fois le seuil de l'entreprise". Solennellement, il a décidé que, comme il travaillait pour Swissmetal, ça allait le préoccuper. Quel sens professionnel! La page se termine par: "Il s'agit maintenant [...] de poursuivre notre quête vers de nouveaux marché par un effort offensif commun tous sites confondus pour lutter contre de réels concurrents et non contre un site faisant partie du même groupe". Pour tempérer ces propos de grand capitaine d'industrie, Karl signalera que Busch-Jaeger mène en ce moment des audit et des réunion à la Boillat, dont le but serait de "mettre en commun" différente méthodes de production. Rien à voir avec du pompage de savoir-faire. Certains produit sont fondus et ébauchés à la Boillat, puis finis et vendus par Busch-Jaeger. Rien à voir avec un déplacement de production, destiné à gonfler les bénéfices de Lüdenscheid au détriment de Reconvilier. Rien à voir non plus avec le fait que les commandes de la Boillat sont soumises à Busch-Jaeger, qui peut s'empresser de faire une offre maison au client. Non, non, rien à voir. Circulez, y'a rien à voir, qu'on vous dit! Ah si, une petite chose quand même: certains clients allemands en sont maintenant à réclamer de la "Boillat Qualität" sur leurs bulletins de commande.

Le Torchinou ne paraît plus, mais le rapport semestriel est décidément à la hauteur!

Dans les "Remarques préliminaires", page 4, on apprend que "l'érosion des prix dans divers secteurs de produits standards" pose toujours problème. Dornach continue donc probablement à faire perdre de l'argent au groupe.


Passons aux chiffres

Le chiffre d'affaire est en augmentation de 53%. Si l'on tiens compte de la consolidation de Busch-Jaeger et de la vente de matières premières (pour 6 millions de francs de bénéfice, soit pour environ 12 millions de chiffre d'affaire, soit pour environ 6% de ce dernier), ce chiffre est assez normal. On peut dire que, dans l'ensemble, le chiffre d'affaire du groupe est en augmentation, Busch-Jaeger n'ayant pas un taille équivalent à un tiers du groupe, mais plutôt à un quart.

Le temps se gâte très vite, toutefois, puisque la valeur ajoutée brute [VAB] n'augmente que de 13% (on pourrait logiquement attendre qu'elle augmente de 50%, mais il est mentionné que la méthode de calcul de Busch-Jaeger n'est pas la même que celle du groupe, allez savoir pourquoi). Autrement dit, Swissmetal vend un peu plus, mais avec un profit beaucoup moins élevé qu'auparavant. Les amortissements sont aussi un chiffre laissant songeur: ils augmentent de seulement 11%, alors que Busch-Jaeger est inclu. Cependant, comme à Lüdenscheid il semble qu'aucun amortissement ne soit comptabilisé, la chose peut s'expliquer. Mais alors, n'est-ce pas là une manière artificielle de diminuer les charges?

Le résultat d'exploitation [EBIT] est le chiffre mis en avant par Swissmetal. Il augmente de 129%, ce qui peut paraître grand, à plus de 6 millions de francs. Sans la grève, dont les pertes directes sont estimées à 4 à 5 millions de francs, il dépasserait les 10 millions. Néanmoins, le résultat financier négatif du groupe (1 million de pertes, à cause de Busch-Jaeger, entre autres, indique le rapport) plombe ce chiffre une première fois. Et les impôts, en augmentation de 234% (l'Etat allemand doit y être pour quelque chose!) achève de ramener ce résultat, dans sa version finale (l'EAT) à un peu plus de 3 millions de francs, soit une augmentation de 23% par rapport à 2005. Cependant, pour une entreprise ayant 874 postes de travail, 3 millions de bénéfices, c'est peu, et facile à manipuler, surtout en vendant pour 6 millions de francs de stock. On sait que, au premier trimestre 2006, Swissmetal annonçait avoir vendu pour un béféice d'environ 5 millions de francs de stock, pour financer le rachat de Busch-Jaeger. Le dernier million vient ensuite, et a donc été destiné à produire ces 23% d'augmentation, qui sont le chiffre retenu par les médias.

En gros, la stratégie comptable de Martinou consiste donc à rassurer l'investisseur, en affichant un bénéfice en progression. La composition de ce bénéfice, la potentialité qu'a le groupe à poursuivre cette progression, tout cela est ignoré. 23%, c'est tout ce qui compte. Il faut donc poursuivre la lecture.

Un autre chiffre amusant, page 6, est celui de l'augmentation des fonds étrangers. En 6 mois, les fonds étrangers à court terme ont augmenté de 177%, soit de plus de 40 millions. Les fonds étrangers à long terme augmentent aussi, de plus de 6 millions. On en arrive à plus de 86 millions de francs de fonds étrangers, dont la majorité à court terme... Usuellement, à part pour, par exemple, une start up, une entreprise devrait avoir un montant de fonds étrangers qui ne dépasse pas celui des fonds propres (125 millions chez Swissmetal). A ce rythme, le gyrophare rouge risque de s'allumer à la fin de l'année (l'endettement du groupe devrait néanmoins être moins rapide sur le second semestre, mais avec les pertes de clients et les retours de commandes, Karl ne pariera pas). Ou bien alors, Swissmetal deviendra une start up avec un pourcentage élevé de capital-risque, sait-on jamais.

Plus gros que les 129% de l'augmentation de l'EBIT, nous avons donc les 234% d'augmentation des impôts, et les 177% d'augmentation des fonds étrangers à court terme. Martinou ne serait-il pas en train de vider l'entreprise de sa substance, dont il parle de manière tant élogieuse? Heureusement, il y a les 120 millions de francs de stock pour mettre du baume sur le coeur de l'investisseur qui douterait. En fait, il doit s'agir d'un stock de somnifères, pour faire dooormir les sceptiques.

Tout est que la justification de Swissmetal, à propos de ce creusage de trou, consiste à dire que la ligne de crédit est utilisée plus... à fond, et que l'endettement auprès des fournisseurs augmente fortement (à cause de l'activité plus soutenue, disent ces petits comiques). Swissmetal achèteterait-il ses matières premières à crédit? Qui plus est, pour les revendre, une fois transformées en produits finis sous forme d'alliages ouvrés à des prix bien moindre (moitié prix environ), sur le marché des métaux?

Le stock de métaux vendu actuellement par Swissmetal à un lointain acheteur (merci les frais de transport) est déplacé avec une telle urgence et une telle inflexibilité qu'on peut se demander s'il n'a pas été payé au groupe sous forme d'avances destinées à enjoliver ses comptes. Ou bien, s'agit-il seulement de payer les salaires le mois prochain? De rembourser une dette à court terme? Ou encore d'autre chose?

Reste que, l'endettement cheminant, il est noté que les liquidités du groupe, de plus 2,4 millions en début d'année, se situent à moins 29,3 millions à fin juin.

Encore sur cette page 6, on peut relever le paiement d'un goodwill de 5 millions de francs. Un goodwill est ce qui est payé pour la valeur incorporelle d'une entreprise (par exemple, son image de marque, sa fidèle clientèle, etc.). Malheureusement, je ne vois pas à quoi ce goodwill a trait. Celui d'Avins, peut-être, puisqu'il date du 30 juin... A débattre.

La page 7 nous montre, en résumé, que les investissements de Swissmetal ont nettement augmenté en 2006. Il s'agit ici, en particulier, du rachat de Busch-Jaeger, et des 4 millions déjà avancés pour la nouvelle presse de Dornach. D'où cette augmentation de l'operating cash flow, dont Swissmetal se sert, logiquement d'ailleurs, pour démontrer sa volonté d'investir à long terme. Le bât blesse tout de même au moment de contempler l'état du free cash flow (l'argent disponible au moment où les investissement, dettes, etc ont été payés: bref, ce qui reste dans la tirelire, par exemple pour payer des dividendes aux actionnaires). Le free cash flow était négatif de quelques francs au premier trimestre (le rachat de Busch-Jaeger avait donc, si l'on en croit Swissmetal, été payé). Maintenant, le revoilà négatif de 4,4 millions. Vide, la tirelire, le petit cochon en porcelaine est au régime.

En fin de rapport, on apprend que l'entreprise Swissmetal Italia a été mise en cessation d'activité et déconsolidée au 30 juin. D'après ce que Karl a pu entendre, il s'agirait là, une fois n'est pas coutume, d'un choix intelligent de Martinou, puisque cette entreprise coûtait cher au groupe et ne rapportait rien d'intéressant. Quelques pourcents de commission pris sur chaque commande, et pas de démarchage de nouveaux clients... A ce tarif, Swissmetal peut en effet se débrouiller en Italie sans cette succursale. L'opportunité semble être venue du fait que le patron de cette entreprise, ancien membre du conseil d'administration du groupe, a pris sa retraite (hem!). Néanmoins, la "stratégie" de Martinou affirmait que le groupe devait être présent dans ses marchés clé, dont l'Italie. Nous ne sommes plus à une contradiction près.


Un peu de rigolade pour clore

Un Boillat encore à la Boillat a fait parvenir à Karl un document intitulé "ma vision de l'avenir", vision qui concernait son usine. Face au document Word qui pèse ses 78Ko, Karl s'est dit : "Oulala, que de lecture! Il y en a pour quelques pages de théories sérieuses, détaillées, argumentées. Et des échanges d'emails en vue pour demander des explications supplémentaires, et ne tirer un maximum. Karl, tu n'es pas sorti de l'auberge, ça non. Courage, ça doit être intéressant". Puis Karl a ouvert le document, et a appris que parfois, une image remplace sans difficulté des montagnes de mots. Puissiez-vous me pardonner les montagnes en question, en regardant cette vision de l'avenir.

lundi, août 21, 2006

Quelques nouvelles

A la Boillat

Les travailleurs revenant, la Boillat recommence à produire, tant bien que mal, le tout s'accompagnant d'un petit air de paradoxe, entre la finance de Martinou, et la dure réalité industrielle. Martin Hellweg, en grand idéaliste, vend du rêve, à des banquiers et à des actionnaires, ce qui lui donne une fâcheuse tendance à oublier que la réalité existe, et qu'elle ne se passe décidément pas d'une production de choses bien palpables, que des clients paient. Voilà ce qui arrive, quand on est trop poète!

Dans les faits, une envisageable succession d'ordres et de contre-ordres concernant l'usage des stocks donne un peu le mal de mer. Le navire swissmetalien serait-il en perdition dans le gros temps? D'abord, il faudrait vendre du stock. Beaucoup. Plusieurs centaines de tonnes de matières premières, d'ébauches, et de produits finis, le tout sur le marché des métaux (adieu donc, valeur ajoutée). Ordre de Martinou. Ensuite, il faudrait en vendre moins, beaucoup moins, parce que tout de même, cette matière se vend en bonne partie aux clients, et que tout ça, il faudra bien le refondre et le réusiner tôt ou tard. Contre-ordre de gens influençables par ce qui se passe sur le terrain. Puis voilà, il faudrait tout de même en vendre un maximum pour une raison obscure (un vague besoin d'argent liquide pour lisser le bilan ou payer les salaires?). Décision, probablement, de Martinou, qui a le nez enfoncé dans la caisse vide, et la tête pleine de jolis rêve à 9% de rendement. Ordre, contre-ordre, désordre, comme on dit chez les militaires. Nous en serions donc à la phase désordre, s'il y en eut jamais une autre, depuis que Martin Hellweg sévit sous nos latitudes.

Karl ajoutera qu'une grande partie de cette matière, achetée pour beaucoup il y a longtemps, avant que les cours des métaux ne s'affolent, n'est plus de la matière première, mais des alliages. Et ils se vendent à des prix nettement moins intéressants que la matière première brute. Un petit million, pompé de cette manière à la Boillat, serait en vue pour dans quelques temps (extrapolation de Karl). Pour ce qui est de l'approvisonnement quand il faudra racheter tout ça, les prix risquent encore de monter, ou au moins de garder leur niveau stratosphérique. Entre autres choses, la plus grande mine de cuivre du monde, au Chili, rencontre quelques soucis de grève.

Au fait, de Martin Hellweg, comme de son fidèle domestique Friedrich Sauerländer, on n'entend plus rien. Se seraient-ils évaporés dans un infini virtuel où les poules ont des dents, et où les promesses se vendent au prix du BZ4? Seraient-ils activement à la recherche d'un repreneur pour Swissmetal? Ou encore en train de démarcher des banquiers n'ayant pas entendu parler d'eux? Monsieur Spock les a-t-il emmenés sur Vulcain pour un stage? Ah, si seulement... Un Vulcain ne ressentant pas d'émotions (dixit monsieur Spock), Martinou y serait bien à sa place (quoique Christine Schmid lui manquerait peut-être, allez savoir). Tout est que, vu le nom de la planète, il pourrait au moins y prendre des cours de fonderie.

Volker Suchordt, par contre, semble avoir bien fait son nid de vautour chez Swissmetal. Certains parlent même, carrément, d'une prise de pouvoir. L'hypothèse existe que Volklore prendrait, une fois Martinou galopant vers une nouvelle proie à dépecer, les rennes du groupe (un vautour qui prend les rennes, il faut être chez Swissmetal, pour voir de telles choses arriver). Dans ce documentaire animalier, il est donc possible que ledit vautour, après avoir frayé avec un buffle, désosse la poule aux oeufs d'or pour en refiler les restes au vilain petit canard. Le tout, il faut bien le dire, en eaux troubles.

Dans un langage moins imagé, des ébauches de la Boillat semblent devoir s'en aller tout droit chez Busch-Jaeger où elles seront probablement finies et vendues. Signe donc qu'à Lüdenscheid, on ne sait pas fabriquer intégralement les produits en question, et qu'on travaille sans relâche à y parvenir. Néanmoins, Volklore -et Swissmetal- ont l'air, pour l'instant, assez motivés à remettre la Boillat sur les rails. Le vilain petit canard ne pond pas encore d'oeufs d'or, lui, et il ne deviendra pas un cygne demain. Une délicate question, à ce propos, est celle de l'audit ISO qui doit avoir lieu à la Boillat cet automne. Dans ce but, il semblerait que du personnel de Busch-Jaeger serait en train d'auditer la Boillat pour la remettre en mesure de passer ce futur écueil. Bon courage à eux. D'autre part, la fonderie Boillat paraît être destinée à produire pour encore un bout de temps ses alliages. Bref, chez Swissmetal, on s'est rendu compte que sans la Boillat, la fin était inéluctable. Mais cette prise de conscience, si elle est réelle, intervient (trop?) tard.

En effet, pour que la Boillat reparte comme à la belle époque, il faudrait 112 licenciés pas licenciés, et 21 cadres licenciés pas licenciés. Et aussi un peu plus de cervelle du côté de la direction (les oiseaux, comme les buffles, en ont, mais pas énormément, il faut l'avouer). Ainsi, après toute l'arrogance déployée par Martinou et ses sbires pour démontrer que la Boillat était un repaire de barbares séniles, la tendance changerait. A croire qu'il suffirait d'un rien pour pousser le groupe dans la tombe.


Bouquinons

Le conflit de la Boillat est historique, c'est évident. Alors, il faut des livres pour le consigner. On se souvient, suite à la première grève, du livre de Pierre Novéraz, journaliste de L'Evénement syndical qui avait largement couvert ces événements. Ce fut le seul du genre.

Cette fois-ci, vu l'ampleur prise par la seconde grève, d'autre prennent la plume pour narrer l'histoire. Parmi les projets dont Karl a entendu parler, un se matérialise en ce moment, de manière assez surprenante. En effet, ses auteurs sont 3 personnes (Sacha Wigdorovits, ancien rédacteur en chef du Blick, Christian Huggenberg, qui travailla notamment à la Handelszeitung, et un troisième personnage, dont le nom m'a échappé, honte à moi) travaillant au sein de Contractmedia, agence de communication dont l'un des clients n'est autre que Laxey. La méfiance fut donc de rigueur, au moment de discuter avec l'un des auteurs. Néanmoins, leur projet est de donner la parole aux intervenants du conflit, et de laisser au lecteur le soin de se forger sa propre opinion. Le livre est financé par l'éditeur Orell Füssli, et pas par Swissmetal.

Je vous livre ici des imppressions tout à fait personnelles:

L'entretien que j'ai eu avec l'un des auteurs me donne à penser que ces gens ont mené une réflexion solide et sont dotés d'esprit critique. Une chose m'a frappé, le point auquel mon interlocueur semblait avoir de la peine à admettre l'absolue indiscipline qu'il faut à des ouvriers pour dire ouvertement à leurs dirigants qu'ils sont des incapables. En Suisse, le conseil d'administration décide de la stratégie avec le management, qui l'applique. Point. Et si les employés ne sont pas contents, pourquoi ne vont-ils pas voir ailleurs, au lieu de se lancer dans cette grève à la durée incroyable (et pourtant écourtée de force...)? Difficile, il est vrai, de comprendre ce profond attachement à "sa" Boillat, et cette lutte aux accents existentiels.

Ainsi, il y aura au moins un livre, d'abord en allemand, puis en français, dont la diffusion sera large, vu l'importance de l'éditeur. Et ce livre sera, de prime abord, une intéressante lecture (bien qu'il faudra y subir les pages de larmoiements mielleux et le verbiage creux de Martinou).


Et si nous nous souvenions?

Le conflit existe toujours car la Boillat (au moins l'outil de travail) et Martin Hellweg sont encore là, comme la thèse et l'antithèse. Pourtant, le peu d'événements et l'absence de possibilités d'agir poussent à un certain défaitisme. Que reste-t-il à faire, pour que la Boillat vive?

Il y a eu la grève, ses tables dans l'usine, les pic-nics, les concerts et ces interminables piquets, 24 heures sur 24. Le tout, dans cette ambiance de solidarité généralisée, magique, ponctuée de manifestations. Et les camions, qui venaient chercher un précieux stock, maintenant vendu. Le rachat de Busch-Jaeger. Les politiciens régionaux, qui donnaient de la voix jusqu'à ce que Joseph Deiss, dans son infinie impuissance, se décide à trouver une manière de mimer l'action. Unia, qui était impliqué depuis le début, et dont la pression scandaleuse a finalement poussé les Boillat à mettre fin à la grève. Puis la médiation, commencée sur la base de licenciments massifs, poursuivie par Rolf Bloch dans un effort pitoyable mais de bonne volonté, et achevée par Swissmetal dès qu'elle n'arrangea plus les affaires du groupe. A suivi le désinvestissment des autorités politiques fédérales, qui ont enfin pu souffler, la merde étant sous le tapis (pardonnez-moi l'expression). Et l'assemblée générale des actionnaires de Swissmetal, où le stalinisme régna en maître. Enfin, les vacances, avec quelques déplacements de machines destinées à décorer l'usine Busch-Jaeger. Oui, il y a eu tout ça, et bien plus encore.

Tout ce combat, où les forces mises en place pour s'opposer à Martin Hellweg furent du jamais vu en Suisse. Toute la haine féroce de cette caricature d'être humain qui se prend pour une machine dont le logiciel aurait été écrit déréglé par une consommation excessive de petites graines. Pour aller où?

Entre tout perdre en ne faisant rien, et tout perdre en se battant, la seconde solution vaudra toujours mieux. Surtout qu'aujourd'hui, au lieu d'être en plein démantèlement comme c'était planifié, la Boillat est toujours là, matériellement complète, mais humainement saccagée. Et Swissmetal en a besoin, de la Boillat. Malgré tout, plus de 200 personnes travaillent encore dans cette usine, et c'est mieux que 60. Mais bien sûr, ce n'est pas assez: arracher la Boillat des griffes du buffle (oui, le buffle à griffe, c'est un peu spécial, mais n'en faisons pas une espèce protégée!) reste un projet et un espoir. Comment le mener à bien? Il semble qu'il suffise de laisser la bêtise des dirigeants de Swissmetal déployer ses conséquences... Mais les chiffres semestriels, à venir cette semaine, nous en apprendront un peu plus.

Combattre, c'est dur. Peu de gens se sentent à l'aise dans des situations de conflit, et donc, peu y entrent de gaité de coeur, chose normale. Tout le monde n'est pas un général Patton, ce spécimen bizarre de la Seconde guerre mondiale, s'étant illustré dans l'opération Cobra, destinée à percer les lignes allemandes, qui ne pouvait imaginer sa vie dans un monde en paix (voir le discours de Patton à l'occasion du débarquement, à prendre avec humour. Ames sensibles s'abstenir). A la Boillat, tout a été tenté pour éviter d'en arriver à une grève. Mais voilà, il n'y avait pas d'alternative acceptable, et il a donc bien fallu combattre. La question intéressante se cache là: qu'est-ce qui est inacceptable au point de déclencher une véritable guerre dans un environnement nommé "paix du travail"? Et qu'est-ce qui est inacceptable au point de soutenir cette lutte avec force? A chacun sa réponse, selon ce qu'il considère comme essentiel. Mais, retrouver ce qui est essentiel, c'est précieux.


Petite pensée

Commentaire de JFBO (merci à lui!), sur le blog:

Il me semble que l'on passe un peu vite sur les conséquences humaines de la destruction systématique de la Boillat. Lorsqu'on évoque les licenciements, on ne parle que chiffres. On oublie les drames sociaux engendrés par ces salopards. 112 + 21 licenciements, c'est énorme. Combien s'en remettront? Tous retrouveront-ils un emploi? Peut-on évaluer les dégats dans les familles? les drames que cette situation qui est une réalité vont amener à coup sûr dans un grand nombre de cas? [...]

Qu'une solution au problème de l'entreprise puisse être entrevue, je n'en doute pas. Je fais évidemment confiance à tous ceux qui continuent le combat. Mais, de grâce, ne passons pas sous silence le fait que certains resteront au bord du chemin. C'est à eux que je pense. A 20 ou 30 ans, vu la conjoncture actuelle, on a toutes ses chances. Mais pensez aux 50-60 ans! Une vie peut être brisée, des années de travail balayées. Y a-t-il un moyen de venir en aide aux pauvres diables qui se retrouveront le bec dans l'eau?
On ne saurait mieux dire.

lundi, août 14, 2006

Pressons, pressons

Pour suivre ce qui semble être le souhait des lecteurs, je vais faire des "éditos" plus fréquents, quitte à les faire très brefs. J'espère que ce choix, réversible, correspondra à vos attentes!


Une presse angulaire


"Les pierres angulaires de cet important projet d'investissement ont été posées": ainsi Swissmetal sous-titre-t-il son communiqué de presse annonçant l'achèvement des fondations de la nouvelle presse de Dornach. On pourrait croire que, plutôt que du ciment, les maçons ont utilisé des pierres, comme au bon vieux temps, mais non. Il s'agit là, bien sûr, d'une fort subtile métaphore, comme le maire de Champignac en maîtrisait les finesses dans toute leur épaisseur. Ainsi, soyons rassurés, il n'y a pas de pierres aux angles du bloc de ciment qui constitue les fondations.

Ces fondations, d'ailleurs, "s'étendent sur une surface d'env. 2500 mètres cubes" (les versions allemandes et anglaises ont la même signification). Eh bien, si la surface s'exprime en mètre cubes, Karl se réjouit de voir la presse de 480 tonnes sortir d'une faille dans le continuum espace-temps, et atterrir délicatement sur cette surface volumétrique. Et monsieur Spock se téléportera pour venir serrer les boulons.

Tout est que, cahin caha, la nouvelle presse devrait être opérationnelle en été 2007. le communiqué indique qu'elle "a été développé de manière à ce que tous les groupes de produits importants de Swissmetal puissent être fabriqués". Autrement dit, Swissmetal fait construire une presse "polyvalente" (sic) pour produire, entre autres, des spécialités. Et moi qui pensait que pour des spécialités, il fallait des outils spécialisés. Décidément, il est temps d'accepter que 1+1=3. Dès lors, si l'on est terre à terre, il faut admettre que ce choix de construire un presse prétendûment polyvalente est une erreur, une de plus. Une fois les presses de la Boillat démantelées (ce qui est le but ultime de l'opération), il sera impossible de presser les produit Boillat à Dornach, sur la nouvelle presse, et d'en attendre une qualité équivalente.

Cependant, ce serait oublier un détail: Swissmetal a acquis, avec Busch-Jaeger, une autre presse, moins "polyvalente" celle-là. Ainsi, Martin Hellweg, en février 2005, n'avait-il pas décidé de construire sa nouvelle presse en sachant déjà qu'il reprendrait Busch-Jaeger? Un indice de plus qui tend à démontrer que le système Swissmetal est, pour reprendre un mot de Rolf Bloch dans L'Illustré, une "coterie". En termes moins diplomatiques, on nomme ça de la gestion déloyale.


A la Boillat

Le travail a repris depuis maintenant une semaine, à la Boillat. Peu de monde était présent puisque la majorité semble avoir refusé de sacrifier une semaine de ses vacances, même pour les beaux yeux de Martinou. Le travail effectué sur la presse Loewy, dans le but de la redémarrer, a permis de démontrer que le chef de gare n'était pas ce qu'il prétend être, un sage pétri de science infuse. Eh non, les archives de la Loewy ne sont pas dans sa tête, et d'ailleurs, dans sa tête, il n'y a pas grand chose, si l'on excepte son égo, qui prend toute la place. Même du côté de Dornach, ils commencent à s'en rendre compte.

A Dornach, il semble qu'on constate aussi que les arriérés du Jura bernois n'ont pas que des fadaises à raconter. Ainsi, les projets de vente de stock (des produits à différents stades de finitions à vendre sur la marché des matières premières), destinées à générer du cash dans les caisses de Swissmetal, ont été petit à petit abandonnés. Certaines choses, à propos de la presse Loewy, ont été écoutées, et ont eu (c'est une sorte de miracle) des conséquences! Ainsi, bizarrement, la hiérarchie swissmetalienne se rend parfois compte que les Boillat savent faire fonctionner leur usine.

Toutefois, le fond du problème reste le même: Swissmetal veut déplacer la production des produits Boillat vers Busch-Jaeger (du moins des produits que Volklore a en vue, comme les pointes de stylo). Ainsi, sur le blog, en entend à nouveau parler de la Schumag 6... De plus, Le "rachat" de Avins apporte une pierre (angulaire même) de plus à l'édifice. Cette dernière entreprise dispose logiquement d'un stock des produits qu'elle vend. La touche amusante vient du fait que les quantités disponibles dans ce stock sont maintenus secrètes. De plus, les commandes de certains alliages, effectuées à la Boillat par Avins, ont pris l'ascenceur de manière très surprenante dès le second semestre 2005. De là à penser qu'Avins a accumulé du stock pour gérer la transition de la production entre la Boillat et Busch-Jaeger, il n'y a qu'un pas. Un tout petit pas. Un pas d'amibe.


Rions un peu

Sur cette vidéo (4,68Mo à télécharger), le personnage filmé présente une ressemblance troublante avec quelqu'un que nous connaissons. et en plus, contrairement à notre connaissance, il est drôle.

jeudi, août 03, 2006

Finalement

Voili voilou, un "édito" tout frais, comme le fond de l'air (mais, je l'espère, moins pluvieux). Alors que la rentrée des Boillat est maintenant à quelques jours d'ici, il était temps!


Premier août

Ah le premier août, ces fusées qui pètent avec plein de couleurs de toutes sortes dans le ciel... comme c'est mignon. Karl aime les fusées, mais moins les vésuves. Et vous? Tout est qu'à Genève, comme à bien d'autres endroits, de feu d'artifice, il n'y a point eu. La faute à la sécheresse. Mais un truc qui pète, il y en avait un, et un gros, au parc des Bastions. Du genre canon antichar de la Seconde guerre mondiale, bien entouré par un quarteron de bonshommes en uniforme d'apparat, et surtout les oreilles bouchées. Pas comme nous, braves naïfs placés à quelques mètre en contrebas (donc pris par surprise), dont la tête vibrait encore le lendemain de ce remake des chaudes soirées de Beyrouth. Ces g'nevois, c'est plus fort qu'eux, ils se la pètent, et plutôt 23 fois qu'une! Mais l'intermède folklorique n'a pas entamé la réussite de la soirée Boillat qui se tenait là.

Karl, voilà longtemps, à l'instar de nombreux Boillat, craignait fortement que le conflit reste périphérique, endigué par des montagnes éloignées des préoccupations du reste de la suisse romande, si souvent prompte à snober le Jurabernoissien et le Jurassien. Dans mon "édito" du 2 février 2006, j'écrivais:
"Quand on suit l'actualité, on se dit que certains croient que pour accéder à la Vallée de Tavannes, il faut acheter un traineau et des chiens. Du côté de la direction de Swissmetal, on a aussi l'air de croire ça, puisqu'ils donnent leurs conférences de presse à Zürich.

Soyez rassurés, amis de la Goldküsste, des côtes lémaniques ou d'ailleurs, l'industrieux indigène de la Vallée de Tavannes ne vous mangera point si vous traversez un jour ses terres!"
Mais voilà, le lémanocentrisme n'était pas d'actualité, Karl avait bien mal jugé, et le voyage de Genève (sans traineau à chiens) l'a, une fois de plus, largement démontré. Imaginez un drapeau de Reconvilier, libellé "La Boillat vivra", suspendu sur un mur, à côté de la mairie de Genève. Imaginez un film sur la Boillat projeté en ces lieux, après avoir eu l'honneur d'une annonce sur les affiches de ce premier août genevois et lors de la partie officielle de la soirée. Imaginez le maire de Genève, André Hediger qui, dans son discours, relevait le caractère emblématique du cas de la Boillat, et le véritable carnage économique et social en cours. Voilà, on imagine tout ça, et ce n'est encore rien. Ha ha! Suspens. Qu'y avait-il, alors, encore?

Il y avait une tarte aux fraises splendide! Et des fromages, et du vin, et, et... Et surtout, venons-en au faits, tous ces gens qui ont préparé la soirée. Ce fut un accueil vraiment exceptionnel et plein de chaleur. A eux, je dis un grand "merci", auquel, je crois, les Boillat présents sur les lieux s'associent. Nos amis genevois auraient pu ne pas se préoccuper le moins du monde de ce qui se passe là-bas, à Reconvilier mais, assurément, c'est tout le contraire qui s'est passé. Un certain sens de la solidarité, une certaine idée du combat syndical et de la justice peuvent décidément faire bien des choses, obstacles géographiques ou pas. De la pièce de théâtre à Carouge (François Rochaix était d'ailleurs présent aux Bastions) à cette soirée, en passant par la pétition qui, en ce moment, est déposée dans les différents cantons, ils en font, du travail, pour la Boillat, à Genève, et en Suisse romande (comme, par exemple, à Neuchâtel).

Le film, réalisé avec des moyens restreints (mais efficaces) par Chantal Woodtli et Jean-Claude Pellaud, retraçait le voyage des Boillat à Carouge à l'occasion de la pièce de théâtre Les travaux et les jours, écrite par Michel Vinaver et mise en scène par François Rochaix. On s'y souvient du travail effectué par, en particulier, Claude Reymond, pour que le voyage soit solidairement offert aux Boillat. L'idée était que des producteurs de biens consommés au moment de leur production (électricité, manutention du train) s'associent au combat des Boillat, producteurs de biens consommés après leur production. Et l'idée fut un succès, tout comme la pièce de théâtre, et l'accueil des Boillat à Carouge. Voir, dans le film, ces gens venus ensemble de Reconvilier arborer un sourire sincère, avait quelque chose de touchant, et de tragique, quand on connaît la suite. Les remarques des Boillat présents étaient d'ailleurs, à cet effet, sans appel: l'assistance, composée d'une centaine de personnes (les bancs étaient bien remplis), semblait plutôt émue.

Dans les médias, de tout ça, il ne reste presque rien. La Tribune de Genève, porte-voix d'une droite très motivée à accrocher des casseroles à ses ennemis de gauche (chacun son tour, selon une tradition fermement établie), a préféré critiquer ad hominem le maire de Genève, plutôt que son discours au fond humaniste. Petite parenthèse: le groupe Edipresse a, ces temps, une forte tendance à reprendre sa presse régionale en main (particulièrement la Tribune de Genève et 24 heures), pour lui laisser le monopole des ragots, et offrir celui du sérieux au Temps. Question de marketing. On est donc très heureux de savoir que le Journal du Jura n'appartient pas à Edipresse, sinon Philippe Oudot se ferait gronder et même fouetter. Question de management.

Il reste un autre quotidien suffisamment indépendant (c'est-à-dire totalement) pour ne pas opérer un black out sur la Boillat, le Courrier. Marc Trezzini, dans son article du 3 août, y relate la soirée du premier août. A lire, donc (même si Corinne Brischoux n'est pas une ex-Boillat, mais une femme de gréviste, comme elle dit)!

Il y avait aussi un autre premier août durant lequel on parlait de la Boillat, celui de Goumois, où l'orateur invité était Maxime Zuber. Dans son discours, il signale notamment que:
"Chez nous, avec la douloureuse affaire de l’usine Boillat de Reconvilier, l’Arc jurassien a pris la mesure de l’impuissance politique face à l’arrogance des décideurs financiers. Elle a appris à ses dépens qu’une région privée de pouvoir politique et de leviers de décisions économiques peut, en l’espace de quelques semaines, se voir confisquer ses outils de productions et piller son savoir-faire par des financiers sans foi ni loi, pirates des temps modernes qui dictent leurs propres règles."
150 ans de savoir-faire massacrés à cause d'un personnage psychosé par la consommation forcée de petites graines (qu'avez-vous fait, Madame Hellweg?), c'est en effet proprement incroyable. Mais Martinou n'a pas encore gagné. Il manipule le cours de l'action Swissmetal, comme en témoignent de petits achats effectués le vendredi 28 août pour le faire remonter juste avant 4 jours de fermeture de la bourse. Il va embellir les résultats semestriels en vendant du stock, pourtant nécessaire à la production (des alliages coulés, vendus au prix de la matière première, qu'il faudra ensuite couler à nouveau), et il bricolera peut-être son refinancement en vendant des actions (vu le cadre de cette émission, on peut parler de faire marcher la planche à billets...). Mais il ne s'en sortira pas, car Swissmetal perd des millions, dans la réalité. Et la réalité, ça compte quand même, Martinou, mine de rien.


Fonds social

Ce fonds, c'est le comble, de fond en comble, et rien qu'à en parler, on est tout sans dessus dessous. Ca n'a ni queue ni tête, cette chose, mais c'est normal: c'est une idée de Martinou. Philippe Oudot, dans le Journal du Jura, a d'ailleurs fait un éditorial, intitulé "Où il y a de la gêne, il n'y a pas de plaisir", de cette absurdité malhonnête. Certainement buveur de Feldschlössen (la bière sans gêne, souvenez-vous), Martinou a certainement eu énormément de plaisir à faire sa proposition, vu la quantité qu'il a dû en consommer pour en arriver là. Quelle trahison faite à la bière allemande, tout de même!

Philippe Oudot a repris l'essentiel de ces propositions dans un article du 26 juillet 2006 (merci à JB pour ce répertoire!). En gros, il s'agirait d'un "fonds social" destiné à venir au secours, sur une base individuelle, des personnes les plus touchées par les licenciements. Ce fonds serait cofinancé par Swissmetal et par Unia! Bref, il s'agit là d'un proposition inacceptable, et Martinou le sait. Pour parachever l'oeuvre, il aurait pu l'appeler "fonds de solidarité", mais il n'est pas trop tard.

A l'heure où chaque centime est essentiel à la survie à court terme de Swissmetal, Martinou veut donc gagner du temps. 1 mois (la prochaine réunion des commissions du personnel de la Boillat ayant bientôt lieu pur statuer là-dessus), c'est toujours bon à prendre. Cependant, en cas de refus, c'est le tribunal arbitral qui statuera, et Unia, ainsi que les Boillat licenciés, ont une bonne chance d'y obtenir gain de cause. En effet, on imagine déjà l'effet comique de Martin Hellweg expliquant que les 133 licenciements étaient justifiés, alors qu'il réengage parmi les licenciés. Même si les passes juridiques peuvent être soporfiques, il sera difficile de s'endooormir face à de tels arguments.


Post scriptum

Merci, les Genevois! C'était canon!

(oui, après 3 jours, Karl n'a plus pu se retenir de sortir l'artillerie lourde en matière de blagues. Comprenez-le: il traînait cette idée comme un... boulet.)