Cette chronologie rêve de venir un peu plus qu'une chronologie. Elle contient certainement des erreurs que vous serez à même de corriger. Mais plus qu'un catalogue bien corrigé, cette chronologie aimerait devenir une Histoire. Pas n'importe quelle histoire, non... Elle aimerait être l'Histoire collective de la Boillat, celle qui, comme la grève, est menée par tous, du plus démuni au plus fort. L'orthographe, la grammaire et toutes ces choses importent peu... Ce qui importe, c'est de réunir un maximum de textes, écrits par vous, anonymement ou pas, qui connaissez un peu ou beaucoup la Boillat.
Car vous le savez, la Boillat... Oui la Boillat, celle qui a 150 ans et des centaines d'employés; celle qui est rentable; et surtout celle à qui tout une région est profondément attachée! La Boillat risque bien de disparaître, enterrée par une bande de rapaces sans dignité. Je vous propose ici d'en construire une trace... Je sais, c'est presque mission impossible, de laisser une trace de ce bahut-là, s'il disparaît! Mais même une chronologie a le droit de rêver, que voulez-vous.
Si vous le voulez bien, essayons. L'aventure de cette usine, l'aventure de sa grève, l'aventure de ses travailleurs, c'est à ceux qui l'ont vécue de l'écrire, vous ne trouvez pas? Ne laissez pas le discours à d'autres, prenez la parole et racontez-nous... Merci!
1855: Création d'une fonderie de laiton à Reconvilier.
1858: Fondation de Boillat SA.
1917: Boillat SA devient Fonderie Boillat SA, sous le patronage de 4 actionnaires (qui resteront les mêmes jusqu'en 1970).
1955: Boillat fête ses 100 ans et prépare de gros changements.
Durant cette période, et jusque dans les années '70, l'entreprise fonctionne en participant à des arrangements cartellaires. Les chiffres de la marche des affaires ne paraîtront que dès 1975/76. L'entreprise était alors peu syndiquée, les conflits se réglant à l'interne, sans les syndicats.
Mais la fin de cette période débouche sur une plus grande ouverture, des changements à la direction, et une prise d'importance de Boillat dans l'économie régionale. Elle acquiert, à ce moment, et jusqu'au début des années '80, les éléments qui feront sa réputation: spécialisation, haute qualité, fiabilité, délais de livraison brefs, service de vente disponible. Bref, Boillat devient ce patrimoine industriel que nous connaissons.
1986: Création des Usine Métallurgiques Suisses (UMS), holding regroupant la Boillat, l'usine de Dornach, et Selve, une usine située à Thoune. La finalisation du holding (fusion complète des 3 entreprises) a lieu en 1989, sous l'égide de Werner K. Rey, qui avait racheté Selve avant 1986. L'effondrement du montage financier de ce dernier entraîne UMS vers de graves difficultés. L'actionnariat de UMS est néanmoins compact à ce moment, composé de peu d'entreprises.
1991: Fermeture du site de Selve. Rachat de Busch Jäger GmbH en Allemagne par le groupe. Ce rachat sera toujours critiqué, Busch Jäger étant peu opérationnelle et son intégration n'ayant jamais pu arriver à terme.
1996: Joseph Flach quitte son poste à la tête de Swissmetal et est remplacé par Peter Schneuwly. Entrée en bourse de Swissmetal, d'où une dispersion de l'actionnariat, et une probable fragilisation face à la conjoncture.
2000: Nadine Minnerath prend la tête de Swissmetal. Des projets de restructuration sont élaborés avec McKinsey, mais n'aboutissent pas. En fait, à l'instar de ses 2 prédécesseurs, Nadine Minnerath semble ne pas parvenir à définir une stratégie claire pour le groupe, et achèvera de le plonger dans de graves difficultés financières.
2002: Licenciement de 200 employés sur les 3 sites et introduction du chômage partiel, suite à une baisse des livraisons.
2003: Swissmetal met Busch Jäger en faillite, dans une tentative de redresser le cap.
Mai 2003: Swissmetal annonce un accord avec un consortium de banques, lui assurant son financement jusqu'en juin 2004.
Juin 2003: Martin Hellweg est mis en place à la direction générale de Swissmetal, et secondé par un adjoint, François Dupont, ancien directeur du site de Reconvilier. Martin Hellweg est un spécialiste des restructurations et a été engagé pour assurer le refinancement de Swissmetal. Il s'agissait donc, au départ, d'une mission limitée dans le temps.
Novembre 2003: Swissmetal restructure sa hiérarchie et les fonctions les plus importantes du groupe échoient à M. Hellweg. Le poste de directeur opérationnel, occupé par F. Dupont, est supprimé, et M. Hellweg est désormais CEO (Chief Executive Officer) et membre du conseil d'administration.
30 juin 2004: Approbation du plan de refinancement de M. Hellweg par l'assemblée des actionnaires. Swissmetal est recapitalisée à hauteur de 50 millions, ce qui achève, en théorie, la mission de M. Hellweg. Néanmoins, il est maintenu dans toutes ses fonctions.
Par la suite, divers changements ont lieu, qui provoquent beaucoup de mécontentement à la Boillat. Par exemple, la mise en place du système de gestion informatique SAP, la concentration du service de ventes à Olten, la suppression du poste d'infirmière d'entreprise, la suppression de divers systèmes d'aide (entamée déjà avant l'arrivée de M. Hellweg).
Peu avant les événements qui suivent, les cadres de la Boillat cosignent une lettre, envoyée au président du conseil d'administration, François Carrard, pour l'avertir des dangers que la stratégie de M. Hellweg fait courir à Swissmetal.
16 novembre 2004: André Willemin, directeur de la Boillat, est licencié et remplacé par Henri Bols, ce qui déclenche immédiatement une grève spontanée des employés de Reconvilier, cadres et ouvriers. Les représentants du syndicat Unia-FTMH prennent contact avec les grévistes le jour même. M. Hellweg apparaît à la télévision pour dire qu'il ne comprend pas: la santé de Swissmetal est en voie d'amélioration, et, selon lui, les employés se livrent à une grève illégale. La revendication claire qui émane des grévistes est le départ de M. Hellweg.
18 novembre 2004: Après avoir conditionné tout dialogue à la reprise du travail, la direction de Swissmetal entame les négociations bien que la grève continue.
23 novembre 2004: Suite au refus par le personnel d'un premier accord, sur demande du syndicat, Elizabeth Zölch-Balmer, directrice de l'économie publique du canton de Berne, accepte de tenter une médiation.
25 novembre 2004: Un accord mettant fin à la grève est accepté par le personnel de la Boillat. L'accord laisse un goût amer à ce dernier, mais est reconnu bon gré mal gré.
On notera que cette grève s'est formée de manière spontanée, dans l'unanimité. Des versions ont circulées, notamment par la voix de M. Hellweg, selon lesquelles la grève aurait été fomentée, et imposée, par une minorité, les syndicats ou certains cadres. Aujourd'hui, il est clair que ce n'était pas le cas.
On notera aussi le large soutien populaire reçu par les employés de la Boillat. Des manifestations quotidiennes, dont la plus grande a réuni 5000 personnes (plus que la population de Reconvilier), des repas offerts dans l'usine par les commerçants du village, une lettre envoyée par la Chambre d'économie publique du Jura-Bernois à F. Carrard, etc.
L'accord du 25 novembre, marquant la fin de la grève:
- Confirmation du site de Reconvilier, développement dans l'ensemble du groupe Swissmetal; investissements prévus à Reconvilier.
- Renforcement de la fonction des ressources humaines.
- Négociations salariales (but: augmentation des salaires).
- La direction renonce à toute mesure de représailles vis-à-vis des grévistes.
- Nomination d'un directeur pour le site de Reconvilier, d'un directeur du site de Dornach et d'un directeur des ventes pour Swissmetal.
- Représentation équitable des deux sites dans la direction.
E. Zölch-Balmer est garante de cet accord.
6 septembre 2005: La Boillat fête ses 150 ans dans la tristesse. Les frustrations liées au comportement de la direction sont nettement palpables, et le bruit court que la fonderie de la Boillat risque d'être déplacée. Une cérémonie officielle a lieu en présence de E. Zölch-Balmer, qui rappelle à son auditoire d'oeuvrer pour la pérennité de la Boillat.
8 novembre 2005: La direction de Swissmetal, qui avait déjà choisi de placer la nouvelle presse d'extrusion à Dornach, annonce que les activités de fonderie seront concentrées à Dornach. Selon son plan, la Boillat deviendra un centre de production de fils et de barres de haute qualité et 75 millions de francs seront investis dans les deux sites suisses durant les 5 prochaines années.
9 novembre 2005: Suite aux remous provoqués par l'annonce de la suppression de la fonderie de Reconvilier, la direction de Swissmetal annonce qu'elle va procéder à une enquête, telle qu'elle a été décidée en accord avec les autorités politiques, pour finaliser son choix du site de la fonderie. Cette enquête n'aura jamais lieu, le choix n'ayant jamais été destiné à être remis en cause. E. Zölch-Balmer se déclarera, à la fin 2005, avoir été "roulée dans la farine". Un groupe politique de soutien à la Boillat se constituera, comptant en particulier Maxime Zuber, maire de Moutier et député au grand conseil bernois, ainsi que Pierre Kohler, conseiller national jurassien.
17 novembre 2005: Réunion entre le conseil d'administration de Swissmetal et Pierre Kohler et Maxime Zuber. Swissmetal, dans un communiqué de presse, présente une image positive de la réunion, tandis que Maxime Zuber parle de "dialogue de sourd" pour qualifier ses contacts avec la direction de Swissmetal.
12 décembre 2005: La direction de Swissmetal met en place Henri Bols à la tête des sites de Dornach et Reconvilier. Auparavant, Patrick Rebstein dirigeait le site de Reconvilier depuis quelques mois, en vertu du protocole d'accord ayant mis fin à la grève. La nomination d'Henri Bols, de l'aveu du communiqué de presse de Swissmetal, oblige à "adopter une nouvelle approche du protocole d'accord signé l'année passée". On se souviendra que la nomination d'Henri Bols à la direction de la Boillat et le licenciement d'André Willemin avaient déclenché la grève de 2004.
25 janvier 2006: M. Hellweg, lors d'une cérémonie, a posé la première pierre du futur bâtiment destiné à abriter la nouvelle presse de Dornach.
Le même jour, une nouvelle grève (une reprise de l'ancienne aux dires de certains ouvriers) éclate à la Boillat, suite à un vote au résultat sans appel. Ce mouvement est lié à un ras-le-bol général des employés, ainsi qu'à l'annonce de très nombreux licenciements dans les prochains temps. Les grévistes disent jouer le tout pour le tout, considérant que la direction de Swissmetal est en train d'enterrer la Boillat. Le bruit court que les bâtiments de la Boillat seraient hypothéqués.
26 janvier 2006: Les cadres sont menacés de licenciement s'ils ne coopèrent pas. Les employés ne peuvent pas s'exprimer: ceci leur est interdit depuis plusieurs mois par la direction. Ce qui n'empêche pas certains de le faire.
"Une voix pour la Boillat" est créée, dans l'espoir de permettre à qui le désire de rompre avec cette interdiction de la libre expression.
Sources:
COLLECTIF, Fonderie Boillat SA 1855-1955, Ouvrage publié à l’occasion du centième anniversaire de la Fonderie Boillat S.A.
Alexandre Beuchat, L’impact des marchés financiers sur la gestion des entreprises suisses. Le cas de Swissmetal Boillat à Reconvilier, Mémoire de diplôme en sciences politiques, Lausanne: Université de Lausanne, 2005.
Le Journal du Jura (www.journaldujura.ch).
www.tsr.ch
www.swissmetal.com