Swissmetal apprend à nager sous l'eau
Nous avons finalement les résultats de Swissmetal, pour l'année 2005 et le premier trimestre 2006 (le rapport 2005 est actuellement en anglais et en allemand seulement, allez savoir pourquoi, les résultats trimestriels sont en anglais, allemand, et français). Ces chiffres font aussi l'objet d'un communiqué de presse de Swissmetal, et d'une dépêche ATS (sous ce même lien, l'analyse d'un journaliste de la RSR). Je vais ici reprendre uniquement quelques données, car il faudra un peu plus de temps pour digérer l'ensemble. De plus, n'étant pas économiste, j'espère ne pas trop me fourvoyer dans mon analyse...
La première remarque est que la caisse de Swissmetal est mal en point. D'habitude, les vérificateurs des comptes, dans la mesure où lesdits comptes sont conformes à la loi, donnent leur décharge sans rien ajouter. Là, ils ajoutent, en page 58 du rapport 2006: "En réservant notre opinion, nous attirons l'attention sur la note 14 "événements après bouclement" [p. 57 du rapport 2005, ndK] qui décrit les événements ayant eu lieu début 2006, c'est-à-dire la grève à l'usine de Reconvilier, l'achat de Busch-Jaeger Metallwerk GmbH Lüdenscheid, et le refinancement requis" (voilà, Lulu aura moins à traduire comme ça. C'est beau le travail d'équipe). Si des réviseurs attirent l'attention là-dessus, c'est que le refinancement est nécessaire à la poursuite de l'activité. Malgré le fait que Swissmetal prétend que les chances d'obtenir un refinancement sont intactes, on peut se questionner sur cet optimisme béat: la direction de Swissmetal n'est plus crédible, et son départ prochain (on ne serait pas étonné de voir Martinou s'en aller en 2007) n'améliore pas son image, surtout en ces temps de crise irrésolue. Dès lors, les banques ne doivent pas être pressées d'entrer en matière.
Busch-Jaeger, par ailleurs, n'est pas encore consolidé dans Swissmetal, et cette consolidation devrait intervenir dans les chiffres du premier semestre, soit après l'assemblée générale. Le prix d'achat de cette usine s'est élevé, pour Swissmetal, à 9,9 millions de francs, plus 14,8 millions de francs de reprise de dettes, soit un total de 24,7 millions. Où a été trouvé l'argent de ce rachat, vu la situation financière de Swissmetal? On peut se demander si ce n'est pas dans la vente des stocks de cuivre. En effet, la flambée des cours de ce métal permet de spéculer de manière très bénéficiaire. Swissmetal a vendu, au premier trimestre, pour 5,7 millions de francs de cuivre (dixit Yvonne Simonis, dans les pages du Journal du Jura. Ces propos ne figurent pas dans les documents issus de Swissmetal. Un hasard, bien sûr).
Le résultat après impôt (EAT) du groupe (sans Busch-Jaeger) a atteint les 1,1 millions de francs. Cependant, si l'on déduit l'argent tiré de la vente de cuivre, on arrive plutôt à un déficit de 4,6 millions. Sachant que le cuivre vendu est nécessaire à la poursuite de l'activité, et que Swissmetal devra donc en racheter à un prix plus élevé, on peut considérer cette manoeuvre, destinée à sauver les apparences, comme suicidaire.
Busch-Jaeger, cela dit, semble de prime abord se porter plutôt bien. Mais là aussi, il vaut mieux se méfier des apparences. Cette usine sort d'un programme de restructuration qui lui a permis de réaliser des économies dont on ne sait absolument pas si elle permettront à l'usine de rester viable à moyen terme. Il suffit de voir les résultats de la restructuration de Swissmetal: le groupe enregistre des résultats à la baisse pour 2005 (81% d'EAT en moins par rapport à 2004), et Martin Hellweg met cette baisse sur le dos de la conjoncture. Néanmoins, il est évident que son management catastrophique y est aussi pour quelque chose, sinon le seul responsable (au fait, la conjoncture était-elle vraiment mauvaise en 2005?). En effet, les conséquences de l'introduction de SAP se font sentir, ainsi que celles de bien d'autres erreurs (par exemple, à la Boillat: engagement d'intérimaires pour remplacer des permanents, ambiance de travail délétère, etc.).
D'après tous ces éléments, on peut se demander ce que Martinou va proposer à l'assemblée générale du 30 juin. Cette date est la dernière possible pour tenir l'assemblée en question, et elle n'a pas été fixée au hasard. Déjà en 2004, Martinou avait déplacé l'assemblée générale au dernier jour du moratoire bancaire, obligeant ainsi les actionnaires à choisir entre son refinancement et la faillite. Là, on peut s'attendre à ce qu'il rejoue cette pièce, avec d'autres acteurs, et un scénario légèrement modifié: il pourrait vendre le groupe, proposer un refinancement par augmentation du capital-action, proposer un nouveau plan de refinancement via les banques, ou encore autre chose, allez savoir. Mais, on le pressent, sa marge de manoeuvre est très réduite, et il a mal à son égo, le pôôôvre.
Menaces
Dans le communiqué de presse, Swissmetal signale que "En aucune circonstance, Swissmetal n’acceptera que les résultats insatisfaisants de l’usine de Reconvilier mettent en difficulté tout le groupe et ses sites". C'est une menace, à peine voilée, de fermeture du site, avec déplacement des machines. Martinou, via Henri Bols, avait tenté d'arracher aux Boillat la nouvelle d'un organigramme revisité dans lequel quelques Boillat feraient travailler leurs collègues pour lui. Ca n'a pas marché, et maintenant il en est à menacer d'envoyer tout le monde sur Sirius. Toutefois, comme toujours, cette menace montre surtout la faiblesse du maîîître: il a besoin d'une Boillat qui produit à plein régime, et il en a urgemment besoin. Car si la Boillat ferme, on peut envisager que tout Swissmetal sombre rapidement.
La Boillat a en effet produit, selon le rapport trimestriel, à 44% de sa capacité, comparativement à l'année précédente. Mais ces 44% ont été obtenus via la vente de produits stockés (finis ou à l'état d'ébauches) sur place. Maintenant que ces stocks sont vides, et que la chaîne de production est rompue, ce pourcentage risque fort de chuter. Si le four 10 tonnes a été redémarré pour faire bonne impression aux visiteurs de chez Bic, tout laisse penser qu'il va bientôt s'arrêter de nouveau, faute de matière à fondre. Donc, demander à la Boillat d'atteindre une pleine productivité est totalement irresponsable.
Martin Hellweg, plutôt que de faire son autocritique (connaît-il seulement l'existence d'un tel mot?) préfère accuser les Boillat de ce manque de productivité. Il fait porter la responsabilité à une véritable "équipe maladie" dont les membres se feraient porter pâles à tour de rôle. Il faut rectifier: il existe bel et bien une véritable équipe de malades au sein de Swissmetal, c'est vrai. Aux commandes du groupe, pour être exact.
Petit rappel des faits: actuellement, dans le personnel de la Boillat, il y a 112 licenciés, dont Martinou attend une productivité normale. De plus, tous les employés sont constamment victimes de mobbing (on ne peut que les encourager à s'en plaindre ouvertement, par exemple au Service d'aide aux victimes de Bienne). Martinou a aussi affirmé à maintes reprises que le personnel de plus de 50 ans n'est pas productif. Et après, il se plaint d'avoir des gens qui n'en peuvent plus... Pourquoi ne pas assigner les médecins en justice, tant qu'on y est?
Voici la dernière bafouille (lettre? Torchon?) que Swissmetal a fait afficher dans la Boillat (première page, et seconde page). Quel ruissellement d'hypocrisie. Je me demande s'ils n'ont jamais honte, Fridou, Martinou, Sam et les autres, quand ils se regardent dans une glace. C'est signé "votre comité de gestion": quel sens diplomatique!
Juste pour en rire, une phrase, classique du style hellwegien, mérite d'être citée: "Nous ne voulons pas vous peindre un monde plus beau que nature et nous souhaitons vous dire, Chères Collaboratrices et Chers Collaborateurs, les choses telles qu'elles sont". La lettre se poursuit-elle par un "Nous sommes tellement dans la m... qu'il nous faut une paille pour respirer"? Ou par un "Vous zêtes rien que des méchants de nous empêcher de démanteler en rond"? Pas du tout... Donc, ils ne disent pas les choses telles qu'elles sont.
Le Journal du Jura
Beaucoup d'articles sur la Boillat dans cette édition. Je vous laisse les découvrir, et ne noterai qu'une chose: quand Philippe Oudot demande à Martin Hellweg si une partie de la matière produite à Reconvilier, facturée par Dornach faute de cadres à Reconvilier, n'aurait pas été comptabilisée à Dornach, ce dernier s'énerve et nie. Quand il s'énerve, on a pu le vérifier plusieurs fois, c'est que la question dérange un peu trop. Bien sûr, les seuls chiffres comparant les performances des sites de Dornach et de Reconvilier présentés par Swissmetal sont en faveur de Dornach. Mais ils sont tellement vagues qu'ils en deviennent suspects. Très suspects.